Voici la septième biographie de cette pionnière de l’industrie de la beauté qu’était Helena Rubinstein, l’une des femmes les plus riches de son temps. .qui affirmait : Il n'y a pas de femmes laides, il n'y a que des femmes paresseuses .Née à Gracovie en 1870, elle mourut à New York, en 1965, Elle avair 94 ans
Cette biographie romancée a été écrite par Michèle Fitoussi, journaliste au magazine Elle, auteur de trois romans, Un bonheur effroyable, en 1995, La Prisonnière en 1999 sur Malika Oufkir, Le dernier qui part ferme la maison en 2004 et scénariste du film Victor en 2009. Elle est mariée à Nicolas Domenach. (source wikipedia)
Qu’ai-je pensé de ce travail sur la vie d’une femme de tête bien représentative d’une époque presque entièrement vouée au développement industriel ?
Je trouve que l’auteur a eu bien du mérite de s’être intéressée de si près et avec autant de minutie à la vie d’une personne somme toute peu sympathique mais qui s’est révélée une femme d’affaires exemplaire, une travailleuse infatigable, une collectionneuse d’œuvres d’art plus boulimique que raffinée, une grande voyageuse, toujours en déplacement, bref, une femme typique de ce XXe siècle haletant. Partie de rien, ayant traversé brillamment toutes les guerres et toutes les aventures féministes, artistiques, scientifiques, industrielles de son temps, elle reste avant tout une reine de la cosmétologie à la tête d’un empire financier colossal. Elle avait tout compris de ce qui fait le succès et la puissance de nos jours : la beauté, l’argent, les alliances, la publicité.
Elle est morte seule, à l’hôpital et son affaire a été revendue en 1988 à l’Oréal mais la marque demeure, toujours soucieuse des progrès scientifiques les plus pointus, selon l’idée de départ de sa créatrice. Depuis 2007, Demi Moore en est l’égérie. une petite femme déterminée, intelligente, forte et séduisante, à l’image d’Helena Rubinstein. Madame l’aurait sans doute beaucoup appréciée … (dernières phrases du livre).
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire les premiers chapitres quand on nous raconte les débuts si difficiles de cette petite juive polonaise , aînée d’une famille nombreuse très pauvre qui refusa de se marier selon les désirs de son père et qui via l’Australie où elle vécut des années difficiles réussit à conquérir progressivement l’Europe et l’Amérique pour devenir mondialement et définitivement célèbre.
Cependant mon intérêt est assez vite retombé quand j’ai compris que le seul véritable intérêt de cette femme tenait à son travail et à ses relations sociales et qu’elle ne pouvait pas s’arrêter une minute pour sauver ses amours, ses mariages, ses relations avec ses deux fils, sa famille et ses amis en général. Sa vie inspira, dit-on, Paul Loup Sulitzer , dans son livre que j’ai bien aimé: Hannah, l'impératrice.
A la fin de sa vie, elle avoue que son existence a été une succession d’échecs, que ce soit avec son père en refusant l’homme qu’il avait choisi pour elle et en partant pour l’Australie. Avec Edward Titus (son premier mari, le père de ses fils), elle n’a pas été aussi compréhensive qu’elle aurait dû l’être. .. Commander et séduire. Tout Helena tient en ces deux mots . Autoritaire au plus haut point, elle voulait sans cesse tout contrôler, tout gouverner, trop prise par le développement de son empire, elle dit n’avoir jamais pris le temps d’avoir des amants même quand elle ne voyait son mari et ses enfants que deux mois par an ! Elle s’est souvent demandé plus tard si avec un peu moins de raideur de sa part, le cours des choses aurait été différent dans son couple. Mais on ne se refait pas et surtout pas elle.
C’est donc le portait d'une femme complexe que l’on a ici : autoritaire, exigeante, tyrannique, despote, cruelle, avare, égoïste, tricheuse, parfois inhumaine, mais (qui) pouvait être dans le même temps généreuse, gentille, attentive, charmeuse, timide, ouverte, tolérante, bourrée d'humour.
Une femme de tête donc, pas de cœur.
En revanche si je m’en tiens à tout ce que j’ai appris concernant ses liens avec tous les grands artistes de ce temps, y compris les plus grands écrivains, je suis comblée. Elle les a tous connus, tous rencontrés, de Proust à Joyce, Hemingway…ils sont tous là ainsi que les peintres auxquels elle demandait son portrait. Tout ce que la planète compte de talents et de sensibilité artistique semble s’être donné rendez-vous autour d’elle, dans le Paris d’après guerre : Gertrude Stein, Djuna Barnes, Ernest Hemingway, James Joyce, Picasso, Chagall, Pascin, Dos Passos, Sinclair Lewis, Kisling, Miro, Foujita, Man Ray, Marcoussis, Prokofiev, Stavinski, Brancusi… et tellement d’autres…
C’est pour cet aspect de panorama du XXe siècle que j’aime ce livre pas comme connaissance d’une personne touchante par certains côtés mais qui reste trop de marbre pour moi. Une inconnue! Une belle statue! Une icône!
Helena Rubinstein , la femme qui inventa la beauté, par Michèle Fitoussi
(Grasset, septembre 2010, 496 p) Merci aux éditions Grasset pour ce livre et l'invitation à une rencontre entretien avec l'auteur qui n'a pu se faire. Le site.
Autres billets sur ce livre: Cuné, Soukee,Tamara, Brize, Stef, Marylinn, .Irrégulière,