Une fois n’est pas coutume, je vais vous parler d’une série télé. Mais pas de n’importe laquelle série télé, évidemment, puisqu’il s’agit de Six Feet Under, la meilleure série télé de tous les temps et si vous êtes pas d’accord c’est pareil. SFU, c’est une série diffusée depuis entre 2001 et 2005 aux Etats-Unis sur la chaîne HBO, une chaîne un peu décalée, qui propose notamment d’excellentes fictions (les Soprano, Sex in the city, Oz et j’en passe) ce qui est, déjà, un gage de qualité. Ensuite, il faut savoir que le créateur de SFU n’est autre qu’Alan Ball, c'est-à-dire le responsable du scénario oscarisé de l’excellent American Beauty dont je parlerai sans doute un jour dans ce blog. Enfin, SFU, c’est aussi une belle brochette d’acteurs, choisis avec soins, tous excellents, cela va sans dire (j’ai, au passage, ma petite préférence pour le couple Peter Krause/Rachel Griffiths mais passons).
Mais commençons par le plus général : le concept de SFU est en fait de nous montrer le quotidien d’une famille de croque-morts (funeral directors), les Fisher, avec tout ce que ça implique de travail sur les cadavres, d’enterrements mais aussi de quotidiens et d’histoires parallèles. La série débute lorsque le père de famille, Nathaniel Fisher, meure dans un accident de voiture. Sa mort entraînera un mini-boulversement dans sa famille : ses deux fils doivent reprendre le business familial, tandis que sa femme doit commencer à « refaire sa vie ». Bien évidemment, vous l’aurez compris, l’une des grandes forces de cette série, c’est qu’elle parle de la mort. Chose peu évidente, et peu courante pour ce type de format (les saisons sont composées de 13 ou 12 épisodes de 50 minutes environ), mais SFU le fait très bien, notamment grâce à un concept intéressant : chaque épisode commence par une mort. En général, il s’agit du mort dont vont s’occuper les personnages qui travaillent au funérarium. Cette idée très simple s’avère excellente, surtout lorsque les scénaristes commencent un « jeu » avec le spectateur puisque, comme nous savons à l’avance que quelqu’un va mourir, la question du « qui va mourir » se pose rapidement. Ces entames d’épisode ressemblent d’ailleurs au petit jeu pervers qui s’instaurait déjà avec le spectateur dans American Beauty et qui concernait, dans ce film, l’identité du tueur.
Mais ce qui marque surtout, dans SFU, c’est la qualité dont font preuve les scénaristes concernant l’élaboration des personnages. Tous les personnages sont intéressants, attachants et crédibles. TOUS les personnages vous font ressentir quelque chose. Au final, au bout de cinq saisons, soit cinq ans passés en leur compagnie, ils deviennent presque des proches. Ils deviennent presque une part de nous. SFU réalise là quelque chose d’assez étonnant et de pas évident du tout, un peu aidé par le format de la série télé qui fait que le spectateur a plus de facilité à s’attacher aux personnages dans la durée. Les personnages sont donc les suivants (leurs situations sont celles du début de la première saison, soit dit en passant). D’abord, la famille Fisher, où l’on retrouve Ruth, la mère, qui décide de tout, touchée par la mort de son mari mais qui doit aller de l’avant, Nate, le fils aîné, exilé à Seattle (la série se déroule à Los Angeles) qui revient pour prendre la suite de son père dans l’entreprise familiale (contre sa volonté, car il a peur de ce boulot depuis tout petit), David, le second, qui a tout sacrifié pour suivre la voie offerte par son père, homosexuel pas vraiment assumé et qui veut tout contrôler, comme sa mère et puis, enfin, Claire, la petite dernière de 17 ans, encore au lycée et qui se considère comme éloignée du reste de la famille du fait de l’écart important qui la sépare de ses frères. Autour de la famille, gravitent divers personnages, à commencer par Rico, qui travaille pour les Fisher, Brenda que Nate rencontre le jour de la mort de son père, fille de psy et légèrement psychotique elle-même et Keith, le petit ami de David mais qu’il cache au reste de sa famille. Voilà, c’est difficile de résumer aussi bêtement, mais c’est histoire de donner une idée au moins vague de ce qu’est l’univers de SFU…
Le mot est intéressant : univers. Car c’est bien ce qui se forme au fur et à mesure des épisodes, et ce dès la première saison, un univers. Univers visuel, d’abord, où tout est filmé de façon extrêmement « léchée ». Au niveau de la réalisation, ce n’est plus une série, mais bien un film d’auteur de 63 épisodes. Le tout est assez sobrement monté, de manière assez froide, peut être, de manière à montrer des tranches de vie, des tranches de quotidien, qui s’enchaînent, s’emboîtent et se croisent. Comme dans American Beauty, également, l’univers visuel de SFU est rempli de fantasmes, ce qui veut dire que le spectateur voit ce que voient ou pensent ou rêvent les personnages. Evidemment, le tout est superbement fait, notamment dans la gestion des rêves et des hallucinations. Les moments où les personnages lâchent tout pour s’auto-représenter dans une comédie musicale fantasmée sont également excellents. L’univers musical est également élaboré avec soins, se développant autour des musiques de « fond » très sobre avec un superbe générique de Thomas Newman et des chansons pop-rock intelligemment choisies (en vrac, Nina Simone, Coldpay, Sia, etc…). Il en ressort un tout très cohérent et très bien composé, crédible également.
Alors évidemment, on peut émettre un petit bémol, et encore, je le transformerai pour ma part en qualité : il parait évident que la série a été très bien pensée, « marketingment » parlant. Car SFU parle à à peu près tout le monde, de ce point de vu, l’étude de marché a été très bien faite. Il y a une mère de famille, d’une cinquantaine d’année, un trentenaire qui ne s’engage pas, un homo, une ado, un latino, un noir, etc. Ce qui veut dire que chacun a son petit quart d’heure qui l’intéresse un peu plus que les autres. J’imagine bien que ce n’est pas un hasard, mais en fait ce n’est pas grave, l’important étant que les personnages « fonctionnent ».
S’il fallait ne garder qu’une seule série de ce format, je choisirai SFU sans hésiter. C’est difficile à expliquer. Les personnages, comme je l’ai dit plus haut, sont très vrais, très attachants et très additifs. On se surprend d’ailleurs à ressentir les évènements bien plus réellement qu’on le devrait et les montées de larmes ne sont pas rares, et muent facilement en véritables pleures, notamment lors du dernier épisode, si particulier dont je ne parlerai évidemment pas. Les scènes de crises, de douleurs et de larmes sont tellement évidentes, tellement vraies dans SFU, qu’on se prend vite au jeu, croyant peut être que ces gens derrière l’écran sont vrais… C’est peut être une opinion très personnelle, mais les messages sur les divers forums de fans sont souvent similaires : lorsqu’on se prend au jeu, lorsqu’on devient dépendant de la série, on ne peut plus rien faire, on vit avec ces personnages et ils vivent avec nous…
Bien évidemment, je conseille à quiconque qui lit ces lignes de foncer et de se procurer (de quelques manières que ce soit) les 63 épisodes de cette superbe série. Vraiment, j’insiste : cette série dépasse le cadre de la « simple » série télé. C’est une œuvre d’art, au même titre qu’un bon film ou qu’un bon livre avec, en plus, la particularité qu’apporte le genre, c'est-à-dire de suivre la vie et l’évolution des personnages pendant longtemps (une soixantaine d’heure, le calcul est vite fait). Donc foncez et plus vite que ça !
Note : j’ai ajouté trois morceaux tirés de la bande son de Six Feet Under à la « Oblue Radio », c'est-à-dire « Feeling Good » (Nina Simone), « Waiting » (The Devlins, un remix à priori) et « Breathe Me » (Sia).