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C.r.a.z.y.

Publié le 20 mai 2006 par Menear

J’ai entendu parler de ce film pour la première fois par hasard, en lisant en diagonale les critiques de Télérama, comme ça, pour passer le temps. La critique en question était plutôt positive (même très positive, en fait, tout comme la majorité de la presse), ce qui m’a motivé pour voir ce film québécois dont je ne connaissais finalement pas grand-chose (le fait que le personnage principal ait une belle gueule et soit fan de Bowie m’ayant déjà convaincu). Je ne suis pas allé le voir au ciné, cela dit, mais je l’ai mis à télécharger (c’est bien entendu une métaphore pour dire que j’ai commencé à économiser pour m’acheter le DVD quand il sortira, je ne fais rien d’illégal, moi… hum…). Je l’ai oublié pendant quelques jours ou semaines et puis voilà que Fanny me parle de ce film il y a deux ou trois jours, film qu’elle est allé voir, elle, au ciné. Ce qu’elle m’en a dit m’a donné envie de le voir et, ça tombe bien, les vacances aidant, je n’ai pas grand-chose à faire de mes journées, j’ai donc programmé ça pour un après-midi.

C.R.A.Z.Y.

Bon, on ne va pas tourner en rond pendant cent sept ans : c’est un bon film, une très bonne surprise. Le point de départ est le suivant : le spectateur suit l’évolution d’un personnage, Zac, avant dernier né d’une famille de cinq enfants. Le tout se déroule dans les années soixante-dix/ quatre-vingt et propose de suivre la jeunesse de Zac à travers trois âges : l’enfance, l’adolescence et le début de l’âge adulte. Autour de lui se trouvent ses parents (une mère très croyante et un père fan d’Aznavour un peu en retard sur cette époque de changements permanents) et ses quatre frères (qui sont, bonjour les stéréotypes, l’intello, le rebelle drogué, le sportif et le plus jeune qu’on ne voit que peu souvent). Ajoutez à cela que la mère de Zac est persuadé que celui-ci à des dons (il est né le 25 décembre et aurait des facultés à soigner les coupures ou les brûlures) et vous aurez plus ou moins le tableau du film. Un point de départ assez banal, mais on n’y fait pas réellement attention.

En fait, ce qui est le plus plaisant dans ce film, ce sont les galeries de personnages qui se développent autour de Zac. La famille proche en général et ses parents en particulier, constituant des personnages comiques très réussis, le comique naissant de leurs forts caractères et de leurs grandes différences les un avec les autres. Cela dit, le film n’est pas simplement une comédie, loin de là même. Il s’agit plutôt d’un film « quête d’identité », la quête de Zac qui, au milieu de ses frères qui entrent facilement dans des carcans préétablis (cf. les stéréotypes énoncés plus haut), ne sait pas réellement à quoi se rattacher. Au fil du film, il en viendra à redouter ce qui parait inévitable, ce que son père et lui-même craignent : il devra se confronter à son homosexualité probable. La quête d’identité prend alors un tournant un peu plus brutal, plus dur, où la confrontation avec le père, et au-delà du père toutes les valeurs d’une autre époque, est inévitable.

C.R.A.Z.Y.

Cette confrontation, c’est assez intéressant, se fait de façon détournée. C’est la musique qui permet au personnage de se rattacher à une identité. Le fait que l’époque concernée soit les années soixante-dix et quatre-vingt prend alors un rôle important. Pour le père, c’est Aznavour, en plus d’un disque de Country (qui donne son nom au film, d’ailleurs, « Crazy »), qui marque son identité. Il passe en effet son temps à chanter ses chansons (souvent les mêmes), lors des « grandes occasions familiales ». Pour Zac, en revanche, le rattachement à la musique marque une identité opposée au père : le héros du film étant fan de Pink Floyd, Bowie ou des Rolling Stones. Une scène en particulier montre bien cette identification poussée à la musique : à un moment du film, Zac, musique à fond dans sa chambre, chante « Space Oddity », le visage maquillé à la Bowie, avec un éclair rouge sur le front. L’identification à Bowie allant bien sûr dans le sens de son homosexualité « à venir », Bowie étant le symbole de la rupture des clivages homme/femme, d’un « monstre androgyne » inégalé depuis (Ziggy Stardust) et de la naissance d’un nouveau courant, d’une nouvelle musique, d’une nouvelle façon de se voir et de se montrer. L’éclair sur le front marque, lui, l’éclosion d’un être différent et brutal. Pour conforter cette idée, la couverture de « The Dark Side of the Moon » de Pink Floyd au dessus du lit de Zac n’est pas anodine, insistant sur la face caché du personnage de Zac.

C.R.A.Z.Y.

Au niveau de la réalisation, là encore, la surprise est agréable. Il s’agit d’un film dynamique, drôle et esthétique, qui emprunte parfois, semble-t-il, à une vision fantasmé du monde que l’on retrouve, par exemple, dans Six Feet Under (les divers fantasmes de Zac pendant la messe de minuit par exemple), tandis que les transitions entre les divers « âges » de la vie du jeune héros sont très bien trouvé (la « transformation » de l’enfant en adolescent, par exemple).

Quand on récapitule, ça fait donc pas mal de bonnes choses. C.R.A.Z.Y. est une quête d’identité intelligente, très bien filmé, parfois drôle, parfois tragique, toujours bien appuyé par le jeu des acteurs et par la bande-son, dont l’importance est primordiale (il est intéressant de noter que le symbole de l’unité père/fils soit symbolisé par un disque, le fameux disque « Crazy »). Un petit bémol vient un peu ternir le tout, cependant : le film étant en québécois, certains dialogues sont parfois durs à suivre (je crois que le film en salles bénéficie de sous-titres, ce qui n’est pas le cas de ma version), notamment ceux contenant des expressions françaises un peu datés, des insultes ou des morceaux d’anglais avec accent. On s’y fait cela dit, même si certaines répliques restent toujours incompressibilités pour moi. L’autre petit défaut concerne peut être la longueur du film, deux heures dix, auxquelles on aurait peut être pu enlever une dizaine de minutes… Mais ces défauts sont des détails mineurs ; je ne sais pas si le film passe toujours, mais si c’est le cas, je le recommande ;) .


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