Récits anonymes #1

J'inaugure aujourd'hui et avec ce billet ce qu'on pourrait appeler une nouvelle « sous-rubrique », c'est à dire que ce sont des petits textes que je laisserai en note de blog, ce qui veut dire qu'ils n'incorporerons pas l'index « classique » avec les autres textes. Il s'agit de petites notes ponctuelles, des récits anonymes, des expériences plus ou moins intéressantes dont j'aurai été témoin dans la vraie vie réelle, ou bien des petites histoires que j'aurai imaginées à partir de telles anecdotes.

Tram bondé de onze heures et quelques. Tram en retard, également, tram où les places sont rares. Trois petites bonne femmes d'environ soixante, soixante-dix ans se retrouvent à discutailler. Deux mamies assises, et une autre debout. Une aux cheveux jaunes (debout), une aux cheveux auburn et une aux cheveux gris (assises). La conversation glisse plus ou moins sur tout ce qui pourrait la soutenir, sur tout ce qui pourrait la nourrir et la maintenir en vie. Ca veut dire que l'on parle de « oh, ils sont pénibles à la STAS, toujours en retard, je vais leur écrire, si ça continue – oh, oui, moi aussi – oui, pareil », que ça rebondit sur « des jeunes, y en a des biens, aussi, tenez, l'autre jour, y en a un qui m'a laissé ça place et qui m'a souhaité une bonne journée en partant ! », en passant par « regardez le joli citronnier, si, là, au milieu, vous le voyez pas ? - ah, oui, et bah dites donc, ils sont petits, les citrons ».
Un joli trio un peu bruyant, à l'accent stéphanois sur-prononcé et qui s'échangent, tantôt avec l'une tantôt avec l'autre, tout un tas de petites réflexions sur la vie, sur le quotidien, sur ce qui se passe dans leurs existences respectives.
- J'ai du aller au crêt de Roc, l'autre jour, dit la grise.
- Oh, ma soeur y habite depuis quoi, quarante, quarante-cinq ans ? Dit la jaune.
- Cinquante trois, dit l'auburn.
- Oui, cinquante trois ans ! Dit encore la jaune.
Ce genre de choses, très facilement audibles malgré la musique de mon lecteur MP3, malgré le brouhaha alentour et malgré tout le reste. Des choses cordiales, amicales, agréables, de trois vieilles femmes qui se connaissent et s'apprécient assez pour discuter entre deux transports en commun.

Un peu plus tard, un peu plus loin, le tram s'arrête, ses portes s'ouvrent, l'une des mamies sort, la grise. « Au revoir, madame », « bonne journée », « au revoir », et voilà la mamie grise qui descend, pendant que la jaune occupe son ancienne place. Lorsqu'on la voit marcher sur le trottoir jouxtant l'arrêt en question, la jaune se rapproche de l'auburn et lui dit :
- Elle me dit quelque chose, cette dame, c'était qui ?