Home to Oblivion - An Elliott Smith Tribute

Publié le 12 janvier 2007 par Menear
Depuis quelques mois, la musique d'Elliott Smith accompagne mon quotidien (qu'il s'agisse de « musique de tram » via le lecteur MP3 ou de fond sonore pendant que j'écris ou autre), d'abord à travers l'album XO dont je vous ai déjà touché quelques mots, puis ensuite avec From a basement to the hill ou encore Figure 8 et, désormais, avec cet album, qui n'est pas un album d'Elliott Smith mais bien un album « hommage », baptisé Home to Oblivion – An Elliott Smith Tribute.
Pour être tout à fait franc, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre lors de la première écoute de ce disque ; quelle ne fut donc pas ma surprise lorsque je me rendais compte qu'il ne s'agissait pas d'un album hommage bateau, comme je le croyais (avec plusieurs artistes qui chantent les chansons de Smith et ça s'arrête là), mais d'un album intégralement interprété au piano, par un pianiste classique, j'ai nommé Christopher O'Riley.
La surprise passée, la première écoute évacuée, c'est une expérience tout à fait singulière qui se dégage de cet « Home to Oblivion », d'abord parce que les compositions et les mélodies d'Elliott Smith se prêtent tout particulièrement à ce type d'exercice de style et, aussi, parce que les arrangements effectués sur ces morceaux sont simplement excellents.
Car le travail d'O'Riley ne consiste pas réellement à rejouer les musiques de Smith au piano, c'est un peu plus aboutit que ça. Les mélodies en elles-mêmes sont souvent reproduites, représentées, intactes, et conservent toute leur chaleur. En réalité, la précision d'O'Riley sert surtout une recherche plus en profondeur, une recherche musicale qui implique un véritable travail sur les accompagnements, car ce sont eux qui insufflent toute la richesse de cette album aux mélodies originales.
A première écoute, les accompagnements sont gênants, ou bien c'est la lenteur du tempo, ou bien c'est la permanence de tonalités mineures sur certaines plages ou encore, surtout, la tendance principale d'O'Riley d'opter pour des arrangements grandement dissonants. Ceux-ci mettent d'abord mal à l'aise, surtout lorsqu'il s'agit de « comparer » avec les enregistrements originaux qui, eux, brillent par la pureté de l'interprétation de ces principaux acteurs, Smith et sa voix particulière en tête.

Et puis, petit à petit, à mesure que l'effort d'écoute se poursuit, ces partis pris musicaux semblent se justifier, semblent prendre tout leur sens, dans ce qui apparaît comme un mémorial musical, mais aussi une marche funèbre qui vient rappeler que la mort de Smith (mort à 34 ans d'un suicide douteux) sonne toujours aujourd'hui comme une fausse note. Et c'est à partir de ce moment-là que cette impression de malaise se révèle, comme si la musique composée par Elliott Smith se décalait peu à peu pour devenir autre chose, un « autre chose » d'hésitant, de syncopé, de grinçant, aussi, par moment.


La technique d'interprétation parfois mécanique de Christopher O'Riley au piano (pour ce qui est de la fluidité, il est vrai qu'on est loin d'un Brad Meldhau ou d'un Mike Garson) renforce cette impression, notamment sur un morceau comme « Everything means nothing to me » (que j'ai mis à votre disposition dans la Oblue Radio, si celle-ci veut bien se donner la peine de fonctionner) qui, après avoir reproduit l'introduction originale (déjà au piano) avec un mimétisme parfait, disloque la mélodie sans donner l'impression d'en modifier la moindre note et opère une montée en puissance qui rend la piste oppressante à souhait.
Home to Oblivion – An Elliott Smith Tribute, c'est un peu l'un de ces albums à qui il faut laisser le temps : le temps de dépasser la première impression, le temps d'entendre, puis d'écouter, puis d'apprécier ces sons auxquels on ne fait pas toujours attention, les à-côtés, les arrangements, les accompagnements, et qui, dans ce cas très précis, confère tout l'intérêt de cette interprétation. L'hommage fait à Elliott Smith est à la fois vibrant et grinçant, un hommage à une musique orpheline qui ne peut plus être interprétée avec la voix cristalline et naïve de son créateur, timbre d'interprétation que l'artiste commençait déjà à mettre de côté pour son album posthume, From a basement to the hill, dont je vous parlerai sans doute un de ces jours.