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Dans le dépotoir...

Publié le 22 février 2007 par Menear
Dans le dépotoir...De temps en temps, sans qu'il y ait vraiment de raison (ou peut-être justement parce qu'il n'y a pas de raison), quand je n'arrive plus bien à écrire ou quand je viens d'abandonner quelque texte fragmentaire, je vais faire un tour dans mon dossier « Dépotoir » de mon répertoire « Textes ». C'est là que j'enterre tous mes écrits imparfaits. Tellement imparfaits, que je n'ai pas pu, pas voulu ou pas eu la motivation de les achever ou de leur insuffler une apparence assez décente pour être conservé dans le dossier principal. En d'autres termes, il s'agit de mon cimetière de textes, car je n'ai jamais le courage de mettre quoi que ce soit directement à la corbeille (la vraie). Lorsqu'il s'agit de ce que je produis ou de ce que j'essaye de produire, je garde tout, sans même trop savoir pourquoi, mais peu importe, je garde tout, point barre.
Mes visites dans le dépotoir sont en général toujours les mêmes. J'ouvre quelques fichiers au hasard, je les lis (très) en diagonale et je souris (parfois amèrement) de mes imperfections passées, de mes naïvetés littéraires, ou bien je soupire devant le manque d'intérêt abyssal de ce que j'ai sous les yeux. J'avais pris l'habitude de croire qu'il s'agissait d'une confrontation avec des travaux de jeunesse, et que c'était parce que j'étais assez (très) jeune quand je les avais écrits qu'ils étaient mauvais. Le rapport de conséquence était aussi simple que ça. Mais j'ai compris hier en jetant un oeil distrait sur ces textes ratés que la jeunesse n'avait rien à voir avec tout ça. Bien sûr que certaines de ces nouvelles, certains de ces débuts de récits, de séries, voire même, parfois, de romans, sont marqués par cette naïveté lycéenne, parfois grotesque, parfois touchante, parfois, aussi, amusante. Mais il n'y a aucun rapport entre cette naïveté et la qualité « littéraire » (osé-je dire) de ces textes. S'ils sont mauvais, c'est parce qu'ils n'ont pas été suffisamment travaillé, tout simplement.
C'est exactement ce à quoi il faut s'attendre lorsque l'on se contente de premiers jets, en fait, et en tant que premiers jets, ces textes-là ne pouvaient pas réellement espérer plus que de finir dans le dossier dépotoir. (Ce qui me conduit à vous révéler qu'en fait, la grosse majorité des textes mis en ligne sur ce blog ne sont pas assez travaillés et mériteraient donc, par conséquent, de finir dans le dépotoir eux aussi.)
Mais toujours est-il qu'hier, en visitant vaguement mon dépotoir, j'y ai trouvé deux fichiers à sauver ou, s'ils n'étaient pas véritablement à sauver, deux fichiers qui ont retenus mon intérêt. Le premier était une sorte de projet hybride (il date d'il y a six mois environ, j'en ai écrit six pages), à la fois nouvelle et pièce de théâtre, avec beaucoup de dialogues, donc, très vivant. Les personnages étaient simplement esquissés mais tout de même présents, et certaines répliques m'ont fait rire, parce que je les avais oubliées, sans doute, mais aussi parce qu'il y a quelque chose à sauver là-dedans... On verra bien si je le reprends et/ou si j'en tire quelque chose...
Le second texte est plus vieux, il est daté de février 2005, et ce n'est pas vraiment un « genre » particulier. Il s'agit en fait d'un dialogue entre deux « personnages », mais en fait pas vraiment ; il s'agit d'un dialogue entre moi (« L'auteur ») et un de mes personnages (« Le personnage »). Ce personnage me reprochait alors de ne rien avoir écrit pour lui, sur lui, et la conversation continuait ensuite. C'était étrange de relire ces quelques pages (six)... Je ne sais pas pourquoi je les avais écrites à l'époque, et je les ai assez vite oubliées, de même que ce personnage, dont je ne conserve aucun souvenir, sinon ces quelques informations écrites pour ce petit texte et relues hier.
S'en est suivi un quasi sentiment de malaise. Ce personnage, je l'avais complètement oublié. Pire que ça, il n'avait jamais réellement existé à mes yeux, il n'avait été, vraisemblablement, qu'un passe-temps provisoire, un prétexte au défoulement, une manière de fixer mes envies parallèles, alors qu'à ce moment-là, février 2005, j'essayais d'écrire « Au bout de l'univers » et de le rendre acceptable (très bel exemple de premier jet très (trop) imparfait celui-là, soit dit en passant). Ouais, c'est exactement ça : je me suis senti mal vis à vis de lui (le personnage), et bien plus que vis à vis de tous ceux et toutes celles que j'avais « sacrifiés » avant et après lui dans mes nombreux autres textes voués au dépotoir... Probablement parce que lui, il me parlait, et même si c'est moi qui le faisais parler, comme une sorte de dialogue privé entre un ventriloque et sa marionnette, peut-être parce que je l'avais créé pour me donner l'impression qu'il avait besoin de moi. De toute évidence, là encore, j'ai échoué. Je l'ai oublié pendant deux ans. C'est sans doute pour ça que j'ai recommencé à lui parler en ajoutant quelques lignes à ce texte, hier soir...
Extrait de cette conversation d'il y a deux ans (extrait naïf, bien évidemment, et cent pour cent premier jet !), sur fond de Tempo di Valse d'Antonin Dvorak, qui passe en boucle depuis que j'ai commencé à écrire ce billet :

Le personnage : Vas te faire foutre ! Pourquoi tu me veux pas ? Tu m’aimes pas ? Fallais pas m’inventer alors, mais maintenant c’est trop tard. Tu m’as voulu, je suis là, alors tu te démerde mais tu fais quelque chose avec moi et maintenant !
L’auteur : Holà, on se calme l’ami ! Déjà, je ne t’ai pas « inventé », tu te rappelle peut être pas, mais c’est toi qui es venu dans mon rêve la nuit dernière. Moi je n’ai rien demandé. Si tu crois que j’ai pas d’autres personnages qui attendent, qui attendent depuis plus longtemps qui plus est... Alors t’es gentil, et tu fais comme tout le monde, t’attends ton tour.
Le personnage : J’attends jusqu’à quand ? Jusqu’à ce que tu m’oublies ?
L’auteur : Peut être. Ça peut arriver. Et si c'est le cas, c’est pas la mort. Tu finis juste quelque part dans mon inconscient et, avec un peu de chance, je me rappelle de toi dans quelques années et tu réapparais dans autre chose. C’est tout ce que je peux te dire...
Le personnage : Bah c’est pas assez. Je mérite mieux, je mérite plus, je suis quelqu’un de bien.
L’auteur : Ah ouais ? Qu’est-ce que t’en sais, p’tit malin ? Tu sais qui tu es ? Tu sais comment tu es ? Tu sais ce que t’aimes ou ce que t’aimes pas ? Tu sais rien du tout, p’tit malin, parce que moi-même je n’en sais rien.
Le personnage : C’est pas une raison pour m’empêcher d’exister, si ?
L’auteur : Tu penses vraiment que c’est comme ça que ça marche ? Les personnages viennent me harceler pour que je les mette dans une des mes histoires ? Tu te crois où, dis moi ?
Le personnage : Si les autres te « harcèlent » pas comme tu dis, c’est peut être parce qu’ils n’ont aucune volonté, qu’ils ne valent pas le coup. Moi je veux exister, j’ai cette volonté que tes autres pantins n’ont pas.
L’auteur : Au moins, mes autres pantins, ils m’obéissent.
Le personnage : Tu y crois vraiment ? Tu serais naïf à ce point ? Mais mon pauvre, ils te mènent par le bout du nez. Ils ont besoin de toi pour exister alors ils te mettent aux commandes, mais ça va pas plus loin. Eux, ils font ce qu’ils veulent, point barre. Tu n’es bon qu’à leur donner un contexte, et encore...
L’auteur : Très bonne stratégie, c’est comme ça que t’arrivera à me convaincre...
Le personnage : Moi au moins j’ai du caractère, pas comme ces loosers qui te servent de personnages dans tes histoires...
L’auteur : ...


Il y a deux ans, j'avais appelé ce texte « Rêveries ». Le personnage à qui mon double parle n'a alors pas de nom. Il n'en a toujours pas. Il est possible que je le complète en y ajoutant quelques répliques et puis, sans doute, je vais l'oublier à nouveau, et le retrouver, peut-être, lors de mes futures visites au dossier « dépotoir ». Peut-être en 2009, tiens.

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