En deux ans et demi, j'ai même eu le temps de le perdre, c'était pas plus tard qu'il y a une dizaine de jours : cahier sur lequel j'ai pris mes notes de lecture de Moon Palace pour mon mini-mémoire de Littérature Comparée Option, cahier posé sur un rayon de la BU et oublié négligemment, alors que je cherchais justement quelques bouquins critiques sur Auster pour le fameux mini-mémoire. Cahier retrouvé ensuite par l'intermédiaire d'Elise, allée le quémander à l'accueil de la BU pendant que moi je faisais sauter un cours d'anglais.
Le cahier vert est un cahier à spirales Clairefontaine de couleur verte, format 17x22 cm, cent pages, « Douceur de l'écriture, PAPIER VELOUTE 90mg/m², MADE IN FRANCE », comme c'est dit derrière.
Le cahier vert est barré, raturé, gribouillé, illisible, appliqué, esquissé, incomplet, dessiné, collé de post-its, surlignés, fléchés, souligné, ellipsé...
Dans le cahier vert il y a quelques billets d'Omega Blue écrits manuscritement, pré-écrits. Dans le cahier vert il y a des haïkus de l'époque où Hugo avait un chien qui s'appelait Wanda. Dans le cahier vert il y a des tentatives d'écritures dans le noir. Dans le cahier vert il y a des lignes flottantes où les mots s'entremêlent, parce que je n'avais pas les yeux bien clairs et que je n'y voyais rien faute d'avoir passé les heures précédent l'écriture à dormir et à rêver, comme ce matin par exemple. Dans le cahier vert il y a tout ce que je voulais écrire à la base, les idées brutes, que je n'ai jamais gardées parce qu'on ne garde jamais les idées brutes, on finit toujours par les sculpter. Dans le cahier vert il y a des dates, rarement les mêmes, parfois accompagnées d'une année mais souvent orphelines de 04, 05, 06 ou 07. Parfois, dans le cahier vert, il y a des tentatives de poésies infructueuses et infructuées.
Le cahier vert comprend des écritures simples, saccadées, minuscules, majuscules, appliquées, dépêchées, oubliées.
Le cahier vert comprend des marques de stylos bille bleue, noire et même parfois des traces de crayons de papier ou de critérium à demi estompées.
Dans les spirales du cahier vert, j'y glissais souvent un stylo (à bille bleue, souvent) parce qu'il n'y a rien de plus terrible que d'avoir un support sur lequel écrire et pas d'instrument.
Les premiers mots du cahier vert, outre le titre et les dates, sont : « Il est toujours difficile de commencer quelque chose. »
Les derniers mots du cahier vert sont : « EST-CE QUE LE RECIT EST VRAIMENT COMPLET ? »
Aujourd'hui le cahier vert est achevé, il est terminé. Aujourd'hui le cahier vert est mort, et vive le cahier bleu, acheté ce matin à Auchan. Même format, mêmes spirales, marque et couleur différentes. A dans deux ans et demi pour un billet saluant, à son tour, le cahier bleu.