b) le titre du bouquin qui était inscrit à côté de cette critique (« ce livre vous sauvera la vie », lorsqu'on le traduit en français)
c) son prix avantageux auprès des vendeurs occasions d'Amazon.
Récemment j'ai décidé de commencer (puis de continuer, puis de finir) ce fameux livre. Je l'ai terminé ce matin et je ne pensais pas, jusqu'à hier, écrire un (court) billet à son propos. J'ai changé d'avis, voyons pourquoi.
« L'histoire raconte » en fait une histoire qui n'en est pas vraiment une. Il n'y a pas vraiment d'intrigue à part entière. Le roman se focalise uniquement sur les tribulations du personnage principal, Richard Novak, un quinquagénaire à qui, en apparence, tout réussi : il est riche, il ne travaille plus, il n'a rien à faire car tout le monde est payé pour le faire à sa place (femme de ménage, nutritionniste, médecin, agent d'assurance, etc.) , il habite une superbe maison à Los Angeles, a pour voisin une star d'Hollywood, conduit une belle Mercedes, et ainsi de suite. Mais Richard Novak n'est pas heureux pour autant ; le roman s'ouvre sur une douleur fulgurante dans la poitrine, et s'en suit un séjour aux urgences. Il se rend compte à partir de ce moment que sa vie est vide : divorcé et père d'un ado qu'il n'a plus vu depuis son enfance, il n'est plus sorti avec une femme depuis des années, et ses journées sont remplies de programme zombifiant destiné, paradoxalement, à assainir son existence (sport, relaxation et autres activités en tout genre). C'est de cette « mid life crisis » que va émerger un nouveau rapport au monde : connaître les gens qu'il côtoie, les anonymes comme les stars, communiquer avec tous ceux qu'il croise, y compris les voix du standard téléphonique du 911 et les mères au foyer au bord de la crise de nerf qui le traitent de « freak » en plein milieu d'un magasin. S'en suivra également un retour en arrière identitaire : qui est-il au juste ? Quel est son passé et peut-il renouer avec lui ?
Le point de départ est banal, d'ailleurs le début du livre l'est également. Suivre ce personnage, ni antipathique si vraiment sympathique aux premiers abords, est un peu ennuyeux, tout simplement parce qu'on le croit aussi vide qu'il le découvre lui-même. La construction narratologique du livre va d'ailleurs dans ce sens : beaucoup de scènes se succèdent, toujours entrecoupées d'ellipses souvent nettes, beaucoup de déplacements, de rencontres, de dialogues, qui a priori ne font pas avancer l'intrigue. Mais comme je vous l'ai déjà dit, il n'y a pas vraiment d'intrigue. Suivre la progression de Richard Novak est donc aussi plate au début qu'elle est fascinante à la fin. Sans comprendre réellement pourquoi, au fur et à mesure que le personnage se dévoile (car le travail effectué sur les personnages est excellents : chacun est à la fois absurde et attachant, fantaisiste et vraisemblable, sans jamais tomber dans le cliché), on devient aussi accroc qu'une enquête du commissaire Adamsberg chez Fred Vargas.
Rien de fondamentalement bon au niveau littéraire, pourtant ; j'irais même jusqu'à dire que ce roman et que l'écriture d'A. M. Homes tend vers l'alittéraire (en exagérant un peu, beaucoup, évidemment). On y retrouve la plupart du temps des phrases brèves, au présent, parfois sèches, souvent simples qui, si elles permettent une très bonne facilité de lecture en anglais (This Book Will Save Your Life, comme la plupart des romans de A. M. Homes ne connaît pas de traduction française pour l'instant), désamorcent aussi tout effet de style. Brutale, parfois corrosive (concernant les nombreux passages satyriques vis à vis de Los Angeles comme eden américain), l'écriture de A. M. Homes est aussi succincte et épurée, à l'instar de l'existence de son personnage principal. On y retrouve beaucoup de dialogues (une majorité), ce qui donne parfois l'impression de naviguer dans un scénario en devenir (ce qui explique peut-être pourquoi la plupart des romans d'Homes ont été où vont être adaptés au cinéma). Je vous laisse d'ailleurs en juger avec un extrait, situé au début du roman, et piqué sur le site officiel de l'autrice (plus pratique)...
Lire ma traduction personnelle et approximative"Did you notice the hole?" Richard asks Cecelia, the housekeeper, as he is eating breakfast.
A. M. Homes, This Book Will Save Your Life, Vinking, p.73.
"What hole?"
"Look out the window, there's a big dent like the kind of place a UFO might have landed if you believe in that kind of thing."
"The only things I believe in are God and a clean house. Are you going to put your headphones on or do I have to talk to you all day." Cecelia takes her can of Endust to the window and looks out. "Not only is there a hole," Cecelia says. "There's a horse in the hole."
He stops eating and goes to the glass.
There is a horse in the center of the hole, eating grass. Again, he thinks of the signs on the telephone poles at the bottom of the hill. "UFO? You Are Not Alone."
"Don't just stare at it," Cecelia says.
Richard goes outside, stands with his feet on the edge of the hole—it is definitely deeper than it was two hours ago. The horse looks up.
"Are you stuck?" Richard asks the horse. "Can you climb out? Come out, while it's not so deep."
Le roman est comme ça tout du long. Beaucoup de dialogues, un peu d'humour, des situations parfois absurdes et un très bon travail effectué sur la psychologie des personnages : Richard et Anhil, le vendeur de doughnut, Richard et Cynthia, Richard et Nic, Richard et son fils Ben, Richard et son ex-femme... Autant de duo toujours très prenants, toujours très agréables à suivre, parfois intensse (comme sa relation délicate avec son fils sur laquelle se focalise la dernière partie du livre). This Book Will Save Your Life échoue pourtant à tenir la promesse que contient son titre, et c'est une déception : difficile de réaliser les rêves que l'on image à la lecture d'un tel titre. Mais ce n'est pas grave. This Book Will Save Your Life est exactement le livre que je souhaitais lire lorsque je l'ai commencé : un livre agréable, qui ne se prend pas la tête, un livre qu'on pourrait lire en vacances sur la plage des fois qu'on serait tenté d'aller sur la plage pour y lire un livre. Un livre sympa, prenant, agréable, quoi, parce que tous les livres n'ont pas besoin d'être géniaux pour accorder le plaisir de lecture que l'on recherche. En tout cas, à la suite de celui-là, j'en ai commandé deux autres de A. M. Homes (pas chers, eux aussi), à moi de vous dire, donc, si cette écrivaine vaut vraiment le coup d'être suivie ou non, lorsque je les aurais lus bien sûr.
Ajout du 2 septembre 2008
A signaler, la sortie pour septembre 2008 (longtemps après) d'une traduction française (Ce livre va vous sauver la vie) à paraître chez Actes Sud.