Je n'avais pas prévu d'écrire quoi que ce soit aujourd'hui. Je savais que je finirais par poursuivre mes confessions internautiques, mais je ne croyais pas avoir ni le temps ni l'envie de m'y remettre avant au moins plusieurs semaines. Il y a beaucoup de choses qui ont changées dans ma vie depuis ma rupture d'avec Félicia et le fameux coup dans le tronche que j'ose qualifier de « fondateur »... Par quoi commencer ? Par quel bout prendre cet incoercible sac de noeud ? Commençons simplement et voyons ce qui en découle...
La raison pour laquelle je me suis jeté sur le clavier aujourd'hui n'a rien à voir avec le besoin persistant de vouloir mettre les choses à plat, car que les choses soient bien claires, je ne veux pas faire face à mon passé. Ces petits textes mis en ligne anarchiquement ces derniers temps n'ont pas pour vocation à exorciser mes fantômes de l'année dernière. Si je dois regretter mon comportement passé, je ne m'y prendrais pas de cesse façon, autant être clair d'entrée de jeu. La raison pour laquelle je me suis remis à bloguer sont plutôt liées aux détails accablants de la vie pratique : le fait est qu'aujourd'hui je ne travaille pas et que AMF (un jour, sans doute, il me faudra écrire sur elle) m'a planté cette après-midi. Je me suis donc retrouvé nez à nez avec mon vieil ordinateur portable, seul, dans mon petit 13m².
J'ai cogité mon projet de nouvelle vie durant les deux mois d'été de 2006. Je ne sais pas vraiment quand c'est devenu clair à mes yeux, ni même quand j'ai enfin eu les couilles de me lancer dans le truc, mais toujours est-il que je quittais Bordeaux, en toute discrétion, grosso modo entre le 20 et le 30 août. Je ne bossais plus dans la librairie de Melville depuis un bon mois déjà, et les trois premières semaines d'août, je les avais occupées à me débarrasser de la quasi intégralité de mes affaires. Une à une j'ai vendu (ou, parfois, donné) mes choses, mes objets, mes affaires. Je n'ai rien gardé, hormis les quelques vêtements que je ne détestais pas, mon téléphone portable, un exemplaire des oeuvres complètes de Pascal en Pléiade offerte par ma grand-mère pour mon bac et que je n'avais jusqu'alors jamais eu le courage d'ouvrir et deux petites boites d'allumettes que j'ai emportées sans m'en rendre compte. Le reste, tout le reste, voiture comprise, je m'en suis débarrassé. Il m'a fallut trois semaines en tout pour vider intégralement mon ancien appart, que j'ai également laissé. En tout, j'ai obtenu très exactement 5863€ de cet autodafé privé. 5863€ : ce petit pactole, c'est le prix de mon ancienne vie. Ce type que j'étais, il valait 5863€.
J'ai commencé à dilapider le dit pactole de suite en achetant un aller simple pour Paris. Je ne savais pas exactement où je voulais vire, alors j'ai pris la première destination disponible. Paris, c'est une ville que je ne connaissais pas, mais je me suis dit qu'en transitant par la capitale, il me serait d'autant plus facile de rejoindre n'importe quelle ville de France. Paris, c'était mon portail pour ma nouvelle vie.
Arrivé gare de Paris Montparnasse, finalement, je n'ai pas transité. Je suis resté. Je ne sais pas exactement ce qui a motivé ma décision. Peut-être que justement, je suis resté parce que je ne parvenais pas à comprendre ce qui me motivait. Il n'y a pas eu de décision. Le truc s'est imposé de lui-même.
J'ai pris le métro sans savoir dans quel sens je devais aller. Je n'avais pas à proprement parler d'endroit vers lequel me diriger. Je suis donc monté dans un des wagons. Je suis descendu au moment où beaucoup d'autres usagers descendaient et j'ai repris une autre ligne, au hasard, jusqu'à son terminus. Je suis remonté à la surface, j'ai découvert Paris, en plein milieu du 13e arrondissement. J'ai tourné un peu, je suis allé boire un verre et j'ai trouvé un hôtel, le moins cher, dans lequel passer la nuit et utiliser encore un peu mes 5863€. Je me rappelle avoir vaguement pensé que, peut-être, après tout pourquoi pas, une fois mon pactole intégralement dilapidé, je pourrais commencer à être celui que je rêvais d'être...
Il m'a fallu trois jours pour trouver un appart, celui dans lequel j'écris ces quelques lignes. Trois jours à vagabonder, à téléphoner à droite à gauche, à visiter des carrés minuscules hors de prix. Jusqu'à ce que je le trouve. 13m² pour 434€ de loyers. De quoi épuiser mon pactole en un an à peine. Il était parfait, c'est à dire qu'il était libre et qu'il était vide. Je me suis installé de suite. La première nuit, j'ai dormis sur deux espèces de coussins achetés chez un brocanteur du 13e quelques heures plus tôt.
Par la suite, j'ai étoffé mes possessions en investissant dans un sommier, un matelas, un petit frigo et une bouteille de shampoing qui fait aussi gel douche.
A ce stade de mon histoire, on est environ fin août, début septembre.