Débuter

Publié le 12 janvier 2008 par Menear
J'ai rarement du mal à débuter mes textes, quels qu'ils soient d'ailleurs. En général, ça se passe comme ça : j'ai mon idée. Je la rumine. Je l'imagine. Je m'y jette, sans trop réfléchir. Je reviens dessus, constate que c'est très mauvais et
a) je l'abandonne ou
b) je la réécris jusqu'à ce qu'elle fonctionne, jusqu'à ce qu'elle existe.
Jusque là ça se passait comme ça. Et puis... Et puis voilà que je me penche sur un projet de nouvelle, une nouvelle pour un concours et voilà que ça ne tourne pas rond. Impossible de débuter. Ai commencé fin décembre, quand j'étais toujours à Sainté. Ai continué dès mon retour à Nuggets City. Mais rien. Ou plutôt si : plein de débuts différents. A chaque nouvelle tentative, un nouveau début, une nouvelle narration, un nouveau personnage. Mais jamais ça ne fonctionne (jusqu'à hier). Résultats : six débuts différents, tous aussi insatisfaisants les uns que les autres. Six débuts, dans l'ordre, ça donne ça :

C'était comme écrit dans le journal du jour d'avant. Ils avaient publiés une lettre prémonitoire sans le voir, sans le comprendre. Elle était signée SARL. Lui il savait. Il avait compris la dimension prophétique du geste, même si l'idée de le copier n'était venu qu'après. Il avait comme tué un homme et le sang sur le sol avait giclé fort et puis glissé ensuite, sans bruit. Le ciment encore liquide entremêlé là-bas dedans. La sécheresse froide de ces nuits là. Le décor noir de la nuit par dessus, exactement le même que cette esquisse qu'il avait faite et que j'avais récupérée dans la poubelle du Mingelton's Caricaturist, l'esquisse à l'encre noire sur une serviette en papier. Sarl était seul ce soir là, un peu avant. On a dit que son épaule saignait un peu et que par dessus il la tenait, son épaule, comme blessée. On a dit beaucoup de choses, les journaux racontent n'importe quoi.

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Ça commence à une table dans un restaurant où ce type, le journal ouvert devant lui, sans un mot, lit la lettre qu'ils ont publié dans le courrier des lecteurs et qui est signée SARL. Plutôt : cette lettre qui pourrait être la sienne. Plutôt : cette lettre qui devrait être la sienne. Le journal ouvert devant lui, posé par dessus son assiette vide qu'il a décalé sur le côté et un vase vide à la place en face de la sienne. Le serveur : absent. D'autres clients : le brouhaha habituel de ces gens là. Le journal ouvert, posé devant lui. Son assiette vide. Il décide qu'il s'appelle Sarl à présent.
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Quatre lettres, ça suffisait. Imprimées à la suite sur son journal, il avait décidé que c'était les bonnes. Dorénavant, ce serait son nom. Il serait l'ancre sur la page grisonnante, ni plus ni moins.
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Quatre lettres, ça suffisait. Imprimées à la suite sur son journal, il avait décidé que c'était les bonnes. Le texte qui s'y rattachait n'avait pas d'importance. Le nom recouvrait tout.
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D'abord il y a l'homme. Son décor : la salle non-fumeur d'un restaurant. Éclairage tamisé. Le journal ouvert par dessus l'assiette. L'assiette poussée à la place d'en face, inoccupée. Un vase vide décalé sur le côté. Les pages du journal, une à une, qui s'enroulent. Ambiance feutrée. Confidentielle. Les quatre lettres, noires sur gris, dans son esprit ; ça se déclenche. Ses lettres. Son nom. Publié dans le courrier des lecteurs, enfin.
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Il est assis dans un restaurant et il n'a pas encore de nom. A une table seule, dans le fond de la salle. L'éclairage est tamisé. L'ambiance : feutrée. Confidentielle. Un journal ouvert par dessus son assiette. Vide, poussée à la place d'en face, inoccupée. Les pages du journal, une à une, qui s'enroulent, se déroulent. La lettre qu'il lit, noir sur gris, publiée dans le courrier des lecteurs. Il est assis dans un restaurant, il s'appelle Sarl, à une table seule, dans le fond. Il s'appelle Sarl.
Alors bien sûr : des récurrences. Des certitudes, même. Des trucs que je sais importants. Indispensables. L'histoire, fractionnée, dans un coin de ma tête, à fixer. Mais impossible de correctement traverser les difficultés. Simplement : se poser devant l'ordi, devant le clavier et y aller comme ça, sans filet, et s'écraser au fond. Et recommencer chaque jour et échouer encore. Légèrement frustrant, même si je sais ce qui n'a pas fonctionné.
Sans trop en dire (pas envie de tout dévoiler ici), je veux faire de cette nouvelle (« Scapulaire », ça s'appelle) une tentative de texte-mosaïque. Poursuivre ce que j'avais déjà timidement expérimenté dans « Sablier ». Bouleverser l'agencement du texte et des lettres, insérer d'autres choses. Offrir un objet multiple et différent : agrafer les papiers sur la page et tout relier par des fils apparents (de quoi saborder d'avance mes chances pour le concours, mais c'est habituel, je fais souvent ça). Et du coup : comme une impossibilité de véritablement visualiser le résultat. Comme une trouille de ne pas savoir comment gérer les enjeux de la mise en page (enjeux primordiaux). Ne pas savoir comment s'y prendre, par quel bout commencer. Alors dans le doute, parce que je me sais capable de foirer le projet, j'ai peut-être inconsciemment voulu évacuer le problème en ne m'y confrontant pas : rester bloqué dans la jungle des premières lignes, voilà la solution.
Ce constat, il valait pour mes tentatives ratées de cette semaine.
Depuis hier, j'ai réussi à organiser mes trucs. Mes idées, mes envies. Mes propres capacités, aussi. J'ai même réussi à dépasser le cap de la première page (tout en tremblant perpétuellement de dépasser au final les 27000 signes requis, la limite). Je ne sais pas encore exactement comment tout va s'organiser mais ça prend forme. Dans ma tête tout du moins. La mise en page se dessine, quoiqu'un peu floue encore. Je sais juste que j'aurais besoin de mes logiciels de retouche d'image sans doute. Certainement.
Quant à savoir pour quand elle sera prête, c'est une autre histoire. La date limite du concours court jusqu'à fin avril mais j'aimerais la boucler assez vite. Avant la fin du mois par exemple. « Coup de tête » en stand-by pendant ce temps et les 154 pages du troisième jet, imprimées, qui m'attendent sur mon bureau, prêtes à être corrigées. Et un autre projet de nouvelle aussi, un truc dont Elise m'a parlé au téléphone avant-hier. A voir : j'attends de ses nouvelles par écrit.
Et ces six incipit ratés, écrits sans réfléchir, au fil de la plume, inutilisables mais pas inutiles pour autant. Ai décidé de les mettre en ligne après tout. Le Carnet de bord sert aussi à ça.