Un lien étrange avait fait son apparition, comme surgi de nulle part, avec lequel il entreprit de me ligoter. Il était beaucoup plus flexible, épais et solide que le raphia en plastique qui sert à ficeler les paquets. Il en émanait une légère odeur de produit pharmaceutique. La même que celle qui flottait dans la salle de sciences après les cours. A moins qu'il ne s'agît de l'odeur de mon grand-père avant de mourir. D'ailleurs, je trouvais qu'il avait aussi une certaine ressemblance avec la tubulure qui aspirait le liquide jaune de son ventre.
Yoko Ogawa, Hôtel Iris, Babel, trad : Rose-Marie Makino-Fayolle, P.74-75.
Le lien mordant mes chairs boursouflait mon corps. L’homme était habile. Du début jusqu’à la fin, dans un beau mouvement, ses gestes furent parfaits. Tous ses doigts remplissaient fidèlement leur rôle et je paraissais l’objet d’un tour de magie.
Je n’arrivais pas à me figurer l’aspect pris par mon corps. Pour le savoir, je ne disposais que de la vitre de la bibliothèque.
Mes bras étaient attachés dans le dos au niveau des poignets. Mes seins, difformes, écrasés, mais leur extrémité avait légèrement rosi comme s’ils désiraient être caressés. Le lien qui serrait mes genoux fléchis contre mes cuisses et mon bassin ouvrait largement mon entrecuisse. Au moindre mouvement pour le refermer, il serrait un peu plus, s’incrustant dans mon être le plus secret. La lumière s’insinuait profondément dans des endroits qui n’avaient jusqu’alors connu que les ténèbres.
Un Yoko Ogawa moins bon que Le musée du silence, mais un Yoko Ogawa quand même. Souvent glauque voire dérangeant, plus dans les relations des personnages entre eux que dans les scènes de sexe d'ailleurs. L'objectivation du corps, en revanche, et très bien rendu.