Voilà qui est seyant, mais il pue !

Publié le 04 mai 2008 par Menear
Un passage hilarant (bien qu'un peu long) de Moby Dick : le Pequod traverse la route d'un baleinier français, le Bouton de rose, qui traîne derrière lui deux cadavres de baleine putréfiés. L'odeur infecte recouvre le Pequod lorsque Stubb va à la rencontre du bateau français... (Même remarque que la semaine dernière concernant l'absence de références pour la traduction.)
By this time the faint air had become a complete calm; so that whether or no, the Pequod was now fairly entrapped in the smell, with no hope of escaping except by its breezing up again. Issuing from the cabin, Stubb now called his boat’s crew, and pulled off for the stranger. Drawing across her bow, he perceived that in accordance with the fanciful French taste, the upper part of her stem-piece was carved in the likeness of a huge drooping stalk, was painted green, and for thorns had copper spikes projecting from it here and there; the whole terminating in a symmetrical folded bulb of a bright red colour. Upon her head boards, in large gilt letters, he read ‘Bouton de Rose,’—Rose-button, or Rose-bud; and this was the romantic name of this aromatic ship.
Though Stubb did not understand the BOUTON part of the inscription, yet the word ROSE, and the bulbous figure-head put together, sufficiently explained the whole to him.
‘A wooden rose-bud, eh?’ he cried with his hand to his nose, ‘that will do very well; but how like all creation it smells!’
Now in order to hold direct communication with the people on deck, he had to pull round the bows to the starboard side, and thus come close to the blasted whale; and so talk over it.
Arrived then at this spot, with one hand still to his nose, he bawled—‘Bouton-de-Rose, ahoy! are there any of you Bouton-de-Roses that speak English?’ ‘Yes,’ rejoined a Guernsey-man from the bulwarks, who turned out to be the chief-mate.
‘Well, then, my Bouton-de-Rose-bud, have you seen the White Whale?’
‘WHAT whale?’
‘The WHITE Whale—a Sperm Whale—Moby Dick, have ye seen him?
‘Never heard of such a whale. Cachalot Blanche! White Whale—no.’
‘Very good, then; good bye now, and I’ll call again in a minute.’
Then rapidly pulling back towards the Pequod, and seeing Ahab leaning over the quarter-deck rail awaiting his report, he moulded his two hands into a trumpet and shouted—‘No, Sir! No!’ Upon which Ahab retired, and Stubb returned to the Frenchman.
He now perceived that the Guernsey-man, who had just got into the chains, and was using a cutting-spade, had slung his nose in a sort of bag. ‘What’s the matter with your nose, there?’ said Stubb. ‘Broke it?’
‘I wish it was broken, or that I didn’t have any nose at all!’ answered the Guernsey-man, who did not seem to relish the job he was at very much. ‘But what are you holding YOURS for?’
‘Oh, nothing! It’s a wax nose; I have to hold it on. Fine day, ain’t it? Air rather gardenny, I should say; throw us a bunch of posies, will ye, Bouton-de-Rose?’ ‘What in the devil’s name do you want here?’ roared the Guernseyman, flying into a sudden passion.
‘Oh! keep cool—cool? yes, that’s the word! why don’t you pack those whales in ice while you’re working at ‘em? But joking aside, though; do you know, Rose-bud, that it’s all nonsense trying to get any oil out of such whales? As for that dried up one, there, he hasn’t a gill in his whole carcase.’
‘I know that well enough; but, d’ye see, the Captain here won’t believe it; this is his first voyage; he was a Cologne manufacturer before. But come aboard, and mayhap he’ll believe you, if he won’t me; and so I’ll get out of this dirty scrape.’
‘Anything to oblige ye, my sweet and pleasant fellow’.
(...)
By this time their destined victim appeared from his cabin. He was a small and dark, but rather delicate looking man for a sea-captain, with large whiskers and moustache, however; and wore a red cotton velvet vest with watch-seals at his side. To this gentleman, Stubb was now politely introduced by the Guernsey-man, who at once ostentatiously put on the aspect of interpreting between them.
‘What shall I say to him first?’ said he.
‘Why,’ said Stubb, eyeing the velvet vest and the watch and seals, ‘you may as well begin by telling him that he looks a sort of babyish to me, though I don’t pretend to be a judge.’
‘He says, Monsieur,’ said the Guernsey-man, in French, turning to his captain, ‘that only yesterday his ship spoke a vessel, whose captain and chief-mate, with six sailors, had all died of a fever caught from a blasted whale they had brought alongside.’
Upon this the captain started, and eagerly desired to know more.
‘What now?’ said the Guernsey-man to Stubb.
‘Why, since he takes it so easy, tell him that now I have eyed him carefully, I’m quite certain that he’s no more fit to command a whale-ship than a St. Jago monkey. In fact, tell him from me he’s a baboon.’
‘He vows and declares, Monsieur, that the other whale, the dried one, is far more deadly than the blasted one; in fine, Monsieur, he conjures us, as we value our lives, to cut loose from these fish.’
Instantly the captain ran forward, and in a loud voice commanded his crew to desist from hoisting the cutting-tackles, and at once cast loose the cables and chains confining the whales to the ship.
‘What now?’ said the Guernsey-man, when the Captain had returned to them.
‘Why, let me see; yes, you may as well tell him now that—that—in fact, tell him I’ve diddled him, and (aside to himself) perhaps somebody else.’
‘He says, Monsieur, that he’s very happy to have been of any service to us.’
Herman Melville, Moby Dick, Peguin Popular Classics, P.386-389.
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La brise faible avait laissé place au calme plat, de sorte que le Péquod était maintenant pris au piège de cette odeur, sans espoir de délivrance si le vent ne venait pas à se lever à nouveau. Au sortir de la cabine, Stubb manda l’équipage de sa baleinière puis se mit en devoir d’aller rendre visite à l’étranger. En passant sous sa proue, il vit que, conformément au goût fantasque des Français, la partie supérieure en était sculptée en forme d’énorme tige inclinée, peinte en vert, et qu’en guise d’épines des pointes de cuivre en jaillissaient ici et là, le tout se terminant en un bourgeon replié d’un rouge vif. En lettres d’or, sur son pavois de poulaine, il put lire « Bouton-de-Rose », tel était le nom romantique porté par ce vaisseau parfumé. Bien que Stubb ne comprît pas le sens du mot bouton, le mot rose et le bourgeon pris ensemble lui furent une explication suffisante.
– Un bouton de rose en bois, hein ! s’écria-t-il en portant une main à son nez, voilà qui est seyant, mais il pue !
Afin de pouvoir parler à ceux qui étaient sur le pont, il dut contourner l’étrave et se rendre à tribord du navire, devant ainsi entretenir la conversation par-dessus le cachalot ballonné.
De là, se tenant toujours le nez, il brailla :
– Ohé, du Bouton-de-Rose, y a-t-il parmi vous des boutons de rose qui parlent anglais ?
– Oui, répondit un homme de Guernesey penché au bastingage et qui se révéla être le premier second.
– Eh bien, ma fleur en bouton, avez-vous vu la Baleine blanche ?
– Quelle baleine ?
La Baleine blanche, un cachalot, Moby Dick, l’avez-vous vu ?
– Jamais entendu parler d’une baleine pareille ! Cachalot blanc ! Baleine blanche ! Non !
– Bon, alors ! au revoir, je reviens dans une minute.
Il fit force de rames vers le Péquod et voyant Achab qui, penché sur la lisse du gaillard d’arrière, attendait sa réponse, il mit ses mains en porte-voix et hurla : non, sir non ! Sur quoi Achab se retira, et Stubb retourna vers le Français. L’homme de Guernesey se trouvait dans les porte-haubans avec sa pelle à découper et Stubb remarqua qu’il s’était fourré le nez dans une sorte de sac.
– Qu’est-ce qu’il y a qui ne va pas avec votre nez ? Cassé ?
– Je voudrais bien, je préférerais encore n’en pas avoir du tout, répondit l’homme qui ne semblait pas faire ses délices de son travail. Mais pourquoi tenez-vous le vôtre ?
– Oh ! pour rien ! Il est en cire, je dois le tenir en place. Belle journée, n’est-ce pas ? Je dirais même qu’on se croirait dans un jardin… Envoyez-nous un bouquet de fleurs des champs, voulez-vous, bouton de rose ?
– Du diable, que nous voulez-vous ? rugit l’homme de Guernesey pris brutalement de colère.
– Oh ! restez froid, oui froid, c’est bien le mot ! Pourquoi n’emballez vous pas vos baleines dans de la glace pour y travailler ? Mais blague à part maintenant. Savez-vous, bouton de rose, qu’il est vain d’espérer de l’huile de telles baleines, c’est une sottise ! Quant au séchon, là, il n’en contient pas un gallon.
– Je sais bien, mais, voyez-vous, le capitaine ne veut rien croire, c’est son premier voyage, il était fabricant d’eau de Cologne auparavant. Venez donc à bord, il vous croira peut-être plus facilement que moi et je me tirerai de ce sale pétrin.
– Tout à votre service, mon doux et charmant ami dit Stubb en grimpant aussitôt sur le pont.
(...)
Leur future victime sortit de sa cabine. Il était petit et brun, d’apparence plutôt frêle pour un marin, nanti toutefois de puissantes moustaches et de favoris, et portait une veste de velours de coton rouge et des breloques à sa montre au côté. Stubb fut courtoisement présenté à ce monsieur par l’homme de Guernesey qui prit aussitôt fonction avantageuse d’interprète.
– Que dois-je lui dire pour commencer ?
– Eh bien, répondit Stubb en jetant un oeil sur la veste de velours, sur la montre et sur les breloques, vous feriez bien de lui dire d’abord qu’il me paraît un peu puéril quoique je n’ai pas la prétention d’en juger.
– Il dit, Monsieur, dit l’autre en se tournant vers le capitaine, que pas plus tard qu’hier son navire a rencontré un vaisseau dont le capitaine, le premier second et six matelots sont morts d’une fièvre provoquée par une baleine ballonnée qu’ils avaient amarrée.
Le capitaine tressaillit et manifesta son désir d’en savoir davantage.
– Et maintenant ?
– Du moment qu’il le prend ainsi, dites-lui que maintenant que l’ayant bien regardé, je suis tout à fait sûr qu’il n’est pas plus fait pour commander un navire baleinier que ne le serait un singe de l’île San Jago. En fait, dites-lui de ma part qu’il est un babouin.
– Il affirme sur l’honneur, Monsieur, que cette autre baleine, la sèche, est encore plus meurtrière que l’autre bref, Monsieur, il nous adjure, si nous tenons à nos vies de larguer ces poissons.
Le capitaine se précipita sur-le-champ à l’avant et donna, d’une voix forte, l’ordre à son équipage de cesser de hisser les caliornes et de couper instantanément les câbles et les chaînes qui amarraient les cachalots.
– Et maintenant ? demanda l’homme de Guernesey lorsque le capitaine fut revenu.
– Bon, laissez-moi réfléchir… oui, vous pouvez lui dire que… que… je l’ai roulé et… (à part) peut-être quelqu’un d’autre du même coup.
– Il dit, Monsieur, qu’il est très heureux d’avoir pu nous rendre service.