Khamssieh, haletant, jette ses bras en arrière du zinc, ses doigts touchent le bois usé par l'attouchement des ventres suants ; tout le devant de son corps empoussiéré, encendré – un mégot mâché, ensanglanté, est accroché à la toison de son membre –, piqué d'échardes, le foreur le lui caresse de bas en haut : les échardes se retroussent sous sa paume ; sa main glisse sur le genou, sur la cuisse, rabat sur le ventre le sexe fripé, remonte le long de l'aine, pouce creusant le nombril, palpe le ventre, couvre les seins, la gorge, ramène sur les lèvres toute la souillure du corps ; le foreur se jette sur le corps chancelant, lui bloque l'omoplate sur le zinc, appuie ses lèvres sur la tempe de Khamssieh : ses lèvres s'entrouvrent, son haleine souffle les touffes rousses, ses dents mordillent la veine temporale ; la salive, refoulée, étrangle le foreur, ses dents ébréchées sectionnent la veine ; le corps s'effondre, le foreur s'appesantit ; son front heurtant le bas du zinc, il suce le sang, à pleine bouche ; une écume rose mousse au front de Khamssieh ; son corps, sous le poids ardent du foreur, frissonne ; sa tête, vidée du sang envenimé, se réchauffe ; sa jambe, prise entre celles, moulées dans le jeans recuit, du foreur, bout : son membre tressaille sous la braguette déchirée du foreur ; lequel alerté, aspire le sang attiédi, le rire sourd dans sa gorge, ses lèvres vibrent sur la plaie, sa morve, expulsée, éclabousse le front du putain ; lequel, le sang forçant rouge ardent ses veines, toutes, remue sous le foreur, lui prend dans sa main faufilée son sexe ramolli ; le membre, rabattu, se rengorge, enfle, durcit ; le crépu détache ses lèvres de la plaie, se redresse, plaque ses mains à ses hanches, à ses fesses collées au jeans par la sueur, projette en avant son membre tendu à fond, arqué violet, scrute l'oeil rafraîchi de Khamssieh, ouvre sa bouche emplie de sang, vomit le sang dans une canette d'orangina, essuie ses lèvres ensanglantées : « ..lève-toi.. que je te baise jusqu'à ce que ce sang caille dans cette couille.. »
Pierre Guyotat, Éden, Éden, Éden, L'imaginaire, P.146-147.
Voilà, ça y est, j'ai trouvé ce que je pourrais faire étudier à mes p'tits monstres en poésie si jamais ils me gonflent trop. Blague à part, si pas mal de pages jusqu'à présent me sont passées au travers, j'ai un peu l'impression, en lisant certains passages d'Éden, Éden, Éden de me laisser enivrer, comme en leur temps les distorsions les plus inaudibles de Nine Inch Nails sur Self Destruct (Final) avaient eu le loisir de me séduire. Un brin de masochisme, sans doute, mais un plaisir réel à aller s'enfoncer là-bas dedans, parce que ce chaos là est pertinent, de toute évidence.