J’ai acheté ma place pour aller voir Le bruit des glaçons de Bertrand Blier, tout comme je l’ai fait pour Combien tu m’aimes il y a cinq ans. Et j’ai écrit un texte que j’aimerai vous faire partager. Nous sommes en 2005 et Styl is Tika n’existait pas . Voici un regard sensible et bien personnel sur ce film hautement théâtral et digne d’un opéra !
De quel film rêve-t-on quand on achète sa place ? Du film évasion, du film émotion, du film abandon ? Combien tu m’aimes traverse tous les genres, et vous offre un ticket pour un abandon total du quotidien, ainsi que le vôtre.
Quand on va au théâtre, on s’assoit, le rideau se lève, on est prêt pour une « représentation », une mise en scène soignée, on l’a choisie pour ça, on aime les acteurs à l’avance, on en connaît les codes, le jeu, on est au « spectacle ». Quand on achète son ticket pour Combien tu m’aimes, on croit acheter une place de cinéma pour de la détente, du bien-être, on est curieux de ce Bernard Campan, on est avide de cette Monica Bellucci, on veut en ressortir heureux, c’est tout. Le fait est que l’on est sans projet précis. On ne sait plus rêver, ou on ne veut plus rêver. Or, cette place n’est ni une « air de repos », ni un « salon de passage », elle vaut de l’or. Pourquoi ? Elle offre du rêve, de l’absolu, comme on aimerait bien en vivre, au moins une fois dans sa vie. Oui, Combien tu m’aimes ne s’achète pas, il se rêve.
Bertrand Blier, ne l’oublions pas, est acteur, réalisateur et dialoguiste. Il cultive le secret des maîtres de l’image et du mot qui tentent de réunir en une seule œuvre toutes les qualités de l’esprit universel. Il réinvente le mouvement photographique. Il rêve son œuvre en mêlant la fresque à l’huile, le cliché instantané, - la commedia dell’arte : Monica Belluci est statique, et se livre au jeu des masques, mais ses yeux bougent pour elle, - l’opéra classique : Monica est muette, mais son corps chante pour nous, - l’opéra comique, l’opérette, la comédie de boulevard. Il nous invite au théâtre, même s’il n’en a pas le projet, où le verbe se fait comédien, fait chanter ses acteurs, face à la caméra, dérange les conventions filmiques, pour nous inviter dans une errance onirique. Et nous, on y croit ! Le rêve peint un sourire sur l’écran de nos lèvres du début jusqu’à la fin. Il nous propose un subtil jeu de lumière et de verbe entre les protagonistes : l’homme se croyant ordinaire face à la femme, véritable bombe humaine, qu’il veut exceptionnelle. Blier teinte, au travers du huit clos, de la maison close, du lit défait offert à tous, et de la pluie qui fait jouir, de la simulation du bonheur, le fil de nos émotions des couleurs de l’amour. Nos deux acteurs, magnifiques, nous invitent-ils à croire que le sexe, et le culte du corps sont les meilleurs compagnons de route dans la recherche du bonheur ? Simuler le bonheur, comme simuler le sexe, pour ne pas être asservi ? Croire en un amour sincère, basé sur une mauvaise distribution des rôles. C’est ce que Bertrand Blier voudrait nous faire croire. Nous, nous n’y croyons pas. On veut juste rêver d’un homme, simple, qui se fait chercheur en amour meilleur. Le reste de la distribution, surprenante et efficace, vous aidera à trouver les réponses.
Blier a voulu un film qui colle à la peau, un film dont on ne se déshabille pas.
Combien tu m’aimes, sorti en 2005 de Bertrand Blier avec Monica Belluci, Bernard Campan, Gérard Depardieu, Jean-Pierre Daroussin, Edouard Bear, Sarah Forestier, Farida Rahouadj,..
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