Je voudrais un immense dépôt de ferraille,
De mitrailleuses, de chars, de fusils, d'avions,
Rassemblés sans coup, sans une seule bataille,
Et les drapeaux en tas de toutes les nations,
Comme de vieux chiffons couverts de salissures,
Rouges de hontes du sang séché, innocent.
J'arroserais enfin de pétrole l'ordure,
Allumerais ce feu le jour de la Saint Jean.
Tous les orchestres pop ressurgis du néant,
Tous les chanteurs des soirs de fêtes familiales,
Tous ceux qui riment un peu sans être des géants,
Les duos, les trios, les Tinos de chorale,
Les violoneux, les musiciens sans partition,
L'accordéoniste aveugle des coins de rues
Ceux que ne lisent pas les maisons d'éditions,
Calmement, danseraient des oeuvres inconnues.
Les vignerons du sud offriraient leurs vendanges,
Les marins rallieraient de tous les continents,
Les paysans du nord dégarniraient leurs granges
De ce grain que l'amour nous rendrait quotidien.
Des menuisiers équarriraient tréteaux et planches.
Des femmes broderaient la danse des métiers.
Le torse redressé, les mains collées aux hanches,
Les vieux se chaufferaient autour de ce brasier.
Des femmes, habillées en pétales de roses,
Accueilleraient du geste tous les arrivants,
Et de leurs yeux offerts, et de leurs mains écloses,
Oteraient de vos fronts quelques rides d'antan.
Un homme jeune et nu, à longue chevelure,
Des étoiles cueillies dans les yeux des enfants,
Accrocherait au ciel toute une architecture,
De planètes phares, de soleils éclatants.
Années 1970