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O ESTRANHO CASO DE ANGELICA (L’ETRANGE AFFAIRE D’ANGELICA) de Manoel De Oliveira
Publié le 17 octobre 2010 par Celine_dianeA 101 ans, Manoel De Oliveira en connaît un rayon sur l’absurdité de la vie, le tragi-comique de l’existence, la poésie et la souffrance qui s’entremêlent en elle, l’art comme un refuge, une obsession, une perception. Son tableau pince sans rire de la relation spirituelle et fantasmée entre un photographe et une jolie jeune fille morte, en grande réflexion sur la mort et le regard (que l’on pose, que l’on change, que l’on obstrue), prend la forme d’une languissante balade, tranquille et contemplative. Cette caméra fixe sur la campagne portugaise, ces instants désuets (le travail agricole non automatisé) immortalisés à jamais dans la pellicule : De Oliveira s’en amuse et sa gausse clairement des certitudes humaines, qui s’opposent au mouvement naturel des choses, qui interdisent tout spirituel, à coup de croyances erronées ou de modernisme jugé ici ridicule. Le cinéaste se nourrit d’oppositions ludiques et d’un comique de situation omniprésent pour rire aux nez des bourgeoisies, des religieux, des faiseurs d’art quels qu’ils soient- riant sûrement aussi un peu de lui-même, en prenant de la distance avec les codes attendus et le matérialisme humain. Son humour et ses divagations autour d’une muse qui ne vit que dans un esprit (de fou ? de créateur ? des deux ?) contiennent alors plus de violence qu’il n’y paraît, De Oliveira réservant le même sort aussi bien à l’homme qu’aux animaux qui ponctuent le récit : une mort certaine, bête, immobile, insensée. Un souffle coupé à trop avoir voulu courir après une idée (plénitude, femme, rationnel). Et avec, pour unique réponse, la seule nécessité de l’art. Son film déconcerte, et n’apparaît qu’en contraste : la vacuité des vivants (les conversations stériles à table) versus les promesses de richesse d’un ailleurs (l’ectoplasme en leitmotiv), la cruauté sourde du récit contre une lenteur filmique excessive (point faible de l’œuvre, que l’on suit avec un ennui poli), et, enfin, la pauvreté du quotidien qui s’oppose à la beauté de la sublimation, que seul l’art permet. Que ce soit au travers d’un objectif, de notes de musique, d’une caméra.