Thomas Ripley est un héros de romans de Patricia Highsmith. Des origines de ce criminel plus ou moins involontaire jusqu’à ses roublardises de plus en plus vicieuses, Highsmith s’amuse à transporter Ripley le long de cinq romans (Monsieur Ripley ; Ripley et les ombres ; Ripley s’amuse ; Sur les pas de Ripley ; Ripley entre deux eaux).
L’occasion pour moi de vous parler des trois premiers et des différentes adaptations qui en existent en films : respectivement, pour Monsieur Ripley, « Plein Soleil » et « Le talentueux Monsieur Ripley » ; pour Ripley et les ombres, « Ripley under ground », et pour Ripley s’amuse, « L’ami américian » et « Ripley s’amuse ».
Si la narration des romans est assez classique, dans le pur style britannique comme on peut le trouver chez Agatha Christie (malgré les origines américaines de Highsmith), le jeu psychologique est habilement nourri et l’auteur arrive à élaborer des jeux entre les personnages remplis de manipulation et d’une déconcertante logique. C’est fin tout en restant simple, efficace en somme, sans prétendre à une véritable originalité dans le style comme dans le fond. L’essentiel est là, ça fonctionne, et Tom Ripley est aussi bien attachant que repoussant, variant selon un seul objectif : son intérêt propre.
Le premier tome nous conduit aux origines du personnage, vers sa chute criminelle dans laquelle il ne cessera de s’enfoncer par la suite, un peu plus volontairement à chaque fois. Les bases rêvées pour un film, comme l’a très tôt compris René Clément, qui adapte le premier roman en 1960 sous le titre de « Plein Soleil », avec Alain Delon à l’affiche.
Un film classique de l’époque. Delon fait de la figuration physique, son timbre de voix porte, et finalement il n’y a pas besoin de plus pour que cela fonctionne. L’intrigue reste simple, relativement linéaire, à l’inverse de l’adaptation de 1999, « Le talentueux Monsieur Ripley » de Anthony Minghella, où l’échange Matt Damon-Jude Law se fait beaucoup plus ambigu et complexe, jouant au maximum sur les zones d’ombre du personnage. La prestation de Matt Damon est brillante, et l’ambiance un peu plus festive (une scène de Jazz en particulier très réussie) rendent le film plus qu’efficace.
Pour le second opus, une sombre histoire de recèle d’œuvres d’art et de création de faux, la veine étant moins intéressante, seule une adaptation en a été faite, par Roger Spottiswoode, en 2005. L’affiche a beau compter Barry Pepper (connu pour « La 25e heure » en particulier), Willem Dafoe (qui fait une apparition éclair) et Claire Forlani (souvenez-vous, l’éblouissante premier rôle de « Rencontre avec Joe Black »), la réalisation reste d’un niveau assez faible. Probablement habitué à un dynamisme plus ouvert (comme dans son opus de James Bond « Demain ne meurt jamais »), le réalisateur n’offre pas l’intimité suffisante au récit. La prestation des acteurs a beau être bonne – et Barry Pepper a la gueule de l’emploi avec son air sombre et mutin -, l’ensemble reste correct, mais manque de justesse… A noter toutefois que le scénario se permet quelques libertés bien trouvées sur la fin et quelques détails semi-comiques (une histoire de perruque notamment) placés de façon intéressante.
Arrive enfin les adaptations du troisième tome. Celui-ci emmène Ripley dans des affaires de manipulation liées à des mafieux italiens. Le personnage sombre pour de bon dans le jeu criminel, plus par ennui que par réel plaisir. Il reste toutefois humaniste sur les bords, tentant de sauver d’extrême justesse celui qu’il a (in)directement plongé dans la pègre. Le personnage perd peut-être son charme des premières heures avec ce tome, mais Ripley s’efface également pour offrir à Patricia Highsmith la possibilité de s’intéresser à d’autres, créant de nouvelles relations, de nouveaux complexes et par la même occasion de nouvelles façons de manipuler l’être humain. Une belle occasion pour Wim Wenders d’explorer les rapports familiaux et amicaux ambigus autour du personnage de Zimmermann (Trevanny dans le roman d’origine et Bruno Ganz à l’écran) et de donner à Tom Ripley la superbe figure de Dennis Hopper pour l’incarner. Ca s’appelle « L’ami américain », ça date de 1977, c’est sombre et bien fait. Un peu grandiloquent sur la fin, caricatural au niveau vestimentaire (le chapeau de cowboy que se trimballe Ripley-Hopper forcit le trait) mais ça reste bien mis en scène et de bonne facture.
En vous souhaitant un bon visionnage ou une bonne lecture !