Dans le dernier numéro d'Alternatives Economiques, fêtant le trentième anniversaire de cette passionnante revue, son nouveau rédacteur en chef, Thierry Pech, se livre à un exercice intellectuel particulièrement stimulant :
"Un individu qui se serait endormi en 1980 et qui se réveillerait aujourd'hui aurait sans doute quelques surprises. Il chercherait probablement du regard les grands ateliers de la société industrielle qui peuplaient naguère les abords de sa ville, aujourd'hui recouverts par de vastes zones commerciales et pavillonnaires. "
Au-delà de la lecture recommandé de cet article, revenons sur cette première phrase de son article. Car, c'est sans doute la faiblesse de la démonstration de son auteur. En économiste éclairé, celui-ci s'intéresse surtout aux transformations sociales, culturelles et politiques qui se sont succédées depuis trente ans. Il passe un peu rapidement à mon goût sur les transformations spatiales, pourtant les plus immédiatement visibles.
Car le plus étonnant et, sans doute le plus oublié, c'est la dévoration des espaces à la périphérie des agglomérations, grandes ou petites. Pendant ces trente ans, la surface artificialisée (recouverte de béton ou de bitume) a presque doublé sur le territoire métropolitain atteignant près de 10% de la surface totale. Cette artificalisation s'est combinée à un étalement multipliant toujours plus le coût et le temps des déplacements.
Cet étalement a été accompagné par un autre phénomène, c'est la différenciation des espaces, l'apparition de zones répulsives ou, au contraire, attractive.
Ces phénomènes combinés (étalement et différenciation) ont entraîné, dans tous les pays développés, une augmentation importante des prix de l'immobilier, augmentation qui ne semble guère avoir souffert de la crise économique.
Ces augmentations ont progressivement diminué le pouvoir d'achat des populations, endettés toujours plus pour pouvoir se loger et se constituer un patrimoine. Ce phénomène a accru aussi la différenciation entre les générations, les plus jeunes, derniers arrivés sur le marché de l'immobilier, souffrant de ce processus davantage que leurs aînés.
On l'a vu avec le déclencheur que fut la crise des subprimes aux Etats-Unis, on le voit aussi avec l'évolution économique de pays comme l'Espagne, la bulle immobilière a artificalisé la croissance.
On l'oublie trop souvent mais la crise perdure parce que le pouvoir d'achat des -jeunes- ménages est plombé par l'immobilier.
Et les économistes l'oublient trop souvent : si les prix de l'immobilier augmentent, c'est à cause de la rareté des espaces disponibles.
Conclusion: la réflexion sur les solutions à la crise doit impérativement tenir compte de ce phénomène en cherchant des solutions pour densifier les espaces urbains.