Moon est la parfaite démonstration que même un « fils de » peut avoir du talent : Duncan Jones nous livre ici ce qu’il convient d’appeler un petit bijou de la science-fiction au cinéma, à travers un huis-clos basé sur une actualité pour le moins préoccupante dont il extrapole des répercussions possibles – non sur l’évolution de la société mais sur la raison d’un homme isolé dans une base lunaire dont il doit superviser le moindre système pour en assurer le bon fonctionnement. Cet aspect au premier abord un peu froid se fissure assez vite pour révéler le drame humain de Sam Bell – interprété par un Sam Rockwell époustouflant – dont la raison vacille au fur et à mesure qu’il comprend quel est son rôle précis dans cette station spatiale isolée sur un monde mort.
Bien trop rarement le cinéma de science-fiction aura atteint un tel sommet du drame, du doute de soi, de ce qui nous définit comme des êtres humains, des individus à part entière devant les exigences du bien du plus grand nombre, des sacrifices qu’il nous arrache, de la folie qu’il distille en nous. L’horreur reste ici invisible, et quand elle arbore un visage c’est pour nous renvoyer le nôtre – tout aussi fou, halluciné et paumé que nous le sommes face à cette réalité qui frise l’abscons à force d’inhumanité. Sam Bell n’est qu’un rouage dans une machine bien trop vaste pour qu’il puisse l’embrasser toute entière d’un seul regard – ce qui ne va pas sans rappeler une autre actualité, bien plus immédiate celle-là.
Ainsi Sam se voit-il tomber malade et croupir – bien plus longtemps qu’il le voudrait – avant de mourir. Puis s’enterrer, là où tout a commencé d’ailleurs. Pour rentrer chez lui, enfin… Il l’a bien mérité : en fin de compte, il aura tout perdu dans cette mission – sa famille d’abord, certes, mais surtout lui-même. Il lui restera à se réinventer, à se redéfinir, à travers une conclusion ouverte qui ressemble moins à un happy end qu’à une rédemption : non pour lui-même, mais pour cette part de lui-même restée là-haut, sans oublier toutes celles qui suivront…
Pour ses images au réalisme sans faille, pour sa métaphore d’un présent aux allures de vaste fourmilière, pour son coup d’essai qui s’affirme comme un véritable coup de maître enfin, Moon est certainement le meilleur film de science-fiction de ces dernières années, et peut-être même un des meilleurs films du moment tout court.
Récompenses :
- Festival du film fantastique de Gérardmer : Prix du Jury et Prix de la Critique
- BAFTAS : Prix spécial du réalisateur pour un premier film
- British Independent Film Awards : Meilleur Film britannique indépendant et Meilleur premier film
- National Board of Review : Prix spécial du réalisateur pour un premier film
- Austin Film Critics Association : Un des 10 meilleurs films de l’année
Moon, Duncan Jones, 2009
France Télévisions Distribution, 2010
100 minutes, env. 10 €