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Une note scatologique de plus

Publié le 16 octobre 2010 par Francisbf

Ce blog a une dimension scatologique indéniable, j'en suis conscient et, croyez-moi, je le déplore autant que vous. Je voulais en faire un espace de création littéraire et poétique, où fleuriraient la beauté du mot et l'aisance du style. Au lieu de cela, j'en ai fait une véritable fosse à purin. Je ne sais combien d'articles ont trait à la merde de près ou de loin, mais je crois pouvoir estimer sans trop de risque ce nombre à un sacré gros paquet.

C'est bien triste. Mais bon, ce blog, comme pour beaucoup de gens, me sert d'exutoire. J'y traite de mes passions, de mes envies, de mes joies et de mes peines. Et de mes terreurs.

Et il faut bien reconnaître qu'au rang actuel de mes terreurs, celles qui font un enfer (grassement payé) de mes missions de pêche scientifique sur le delta du Saloum au milieu des mangroves, au rang de ces terreurs, la pire n'est pas celle des crocodiles (il paraît qu'il y en a), ni celle des ouragans (on n'est pas passés loin), ni celle d'une bavure des militaires français en entraînement commando dans le coin.

Non, la terreur la plus tenace est celle du pet.

Car je suis timide du sphincter, et l'idée d'avoir à faire au su (et presque vu) de tous des acrobaties par dessus le bastingage avec un harnais sous les aisselles comme seul protection contre la chute dans l'eau et mon étron me donne le mal de mer. Et je n'aime pas non plus caguer dans la nature, quand j'ai toujours en tête la crainte (sans fondement, mais même) qu'au lieu d'un étron bien moulé qui tombe proprement loin derrière mes chaussures, je risque de voir couler mon caca le long de mes mollets, s'engluer dans mes poils et finir par se perdre entre mes doigts de pieds, à cause des crevettes un peu passées que mon tonton a insisté pour acheter l'avant-veille de mon départ.

Du coup, depuis la dernière mission, j'ai décidé de conserver mon manger dans mes boyaux. Ce n'est pas facile, mais l'Imodium aide en bloquant mon péristaltisme (que j'ai toujours trouvé dégoûtant, soit dit en passant). N'empêche que ça gamberge dans la tête : je me retrouve à tenter de calculer la quantité de matière qui s'accumule au cours des repas de cinq jours, le temps qu'elle va y rester, et à me demander dans quel état les boulettes de viande se trouvent et à quel niveau de mes boyaux. Et surtout, je serre les fesses, et vis dans l'appréhension de la sensation du pet qui demande à sortir. Car le pet, dans ces conditions extrêmes, est risqué. Je sens qu'à chaque instant, il est susceptible de passer d'une innocente émission de gaz à une coulée poisseuse dans le caleçon. Je me crispe de tout mon corps, et j'attends que ça passe. Mais c'est usant. Épuisant, même, psychologiquement autant que physiquement. Sans compter qu'il faut faire avec les discussions interminables sur le ténia d'un collègue ou l'amibiase à diarrhée sanglante d'un autre.

Heureusement, la mission n'est pas vécue que dans l'anxiété du pet foireux. Outre les découvertes de beaux poissons, la mission est mère de souvenirs que je chérirai longtemps. Comment oublier, par exemple, la sensation sans égale que j'ai pu ressentir lorsque, seul à la proue du bateau dans la tempête, le vent et la pluie fouettant mon visage, l'oeil fixé sur l'horizon où ciel et mer se mêlaient dans une brume pluvieuse à la luminosité étrange, je plongeai la main dans mon caleçon pour en extraire un sexe fumant que je pointai droit devant moi, face à l'orage, m'accordant un instant de méditation avant de lâcher les vannes.

À cet instant, j'étais le soliste d'un concerto de mère Nature pour orage et jet de pisse. Par d'audacieuses contractions de la vessie, j'apportai un contrepoint aux coups de tonnerre qui ébranlaient la mangrove, la lueur des éclairs apportant une touche baroque à ce tableau sonore majestueux, avec pour seuls spectateurs les nuages sombres et la nuit noire, mes collègues étant trop occupés à siroter leur pastis vespéral. Le moment m'appartenait, et pour la première fois, je me sentais part du grand Tout. Je ne savais plus si le ruissellement qui sillonnait mon visage était constitué de larmes d'émotion, de la pluie battante, ou la simple conséquence d'un pipi vent debout.

Quoi qu'il en soit, je ne regrette rien.


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