[292] La Charte canadienne des droits et libertés s’applique en l’instance, s’agissant d’une corporation de la Couronne. Elle protège les personnes contre les fouilles abusives.
[293] La Charte québécoise des droits qui s’applique également garantit le droit à la vie privée tout comme le Code civil d’ailleurs. (Art. 3 C.c.Q.)
[294] Les saisies pratiquées par KPMG sont une immense chasse à l’aveuglette faite sans aucune balise et sans rigueur
[296] Tout au long des trois saisies, M. Drolet souligne « on prend tout, on ne sait jamais ». On fouille et copie les disquettes personnelles, on ouvre le coffre-fort du bureau de Mme Tremblay.[53]
[297] C’est de cette façon que toute la comptabilité personnelle de M. Beaudoin, tenue sur disquettes personnelles hors l’ordinateur de la BDC par Mme Tremblay, est copiée et reproduite aux volumes 4, pièce I-8a) et 5, pièce I-8b).
[298] On y apprendra les détails les plus intimes de la vie de la famille Beaudoin! Les dons de charité de M. Beaudoin, les frais d’orthodontie de Madame, les établissements d’enseignement fréquentés par les deux filles du couple, les frais de scolarité, le coût des livres, les frais de pharmacie, le nom d’un médicament pris par M. Beaudoin, les comptes de taxes, l’argent de poche des jeunes filles, les livres achetés, les dépôts bancaires de Mme Beaudoin dans son compte personnel, etc. Il y en a des centaines.
[299] Toutes informations absolument inutiles au dossier reproduites sans oblitération des renseignements personnels et nominatifs comme pièce publique au dossier et dont on sait que des extraits se sont retrouvés dans les médias.
[302] Les modalités de réalisation des saisies sont odieuses et injustifiées. Pratiquées par des experts en juricomptabilité, la violation est encore plus grave.
[305] La Cour écarte du dossier toute la preuve de cette nature obtenue par KPMG et retrouvée aux pièces I-8a) et I-8b) et leurs annexes.
[312] La collecte des informations est déficiente. Certaines personnes ont été interrogées et nulle trace n’y paraît à l’expertise. Des témoins ont été interrogés à plusieurs reprises et une seule conversation est enregistrée. Cette sélection de preuve, compte tenu de l’ensemble de la preuve entourant la confection de l’expertise est inquiétante.
[313] M. Drolet explique que plusieurs courtes entrevues d’une heure trente à deux heures pouvaient précéder l’entrevue enregistrée qui, elle, durait trois heures sans interruption.
[314] La Cour est inquiète de constater que des témoins ont pu être interrogés pendant trois heures dans ces circonstances et donner une version sereine et crédible.
[315] La façon de mener les entrevues inquiète tout autant. On introduit le témoin dans une salle de conférence. MM. Drolet, Gosselin et McGarr sont à un bout de la table, le magnétophone sur la table et le témoin face à eux pendant trois heures pour une enquête de fraude sur le président « congédié ».
En conclusion, le rapport de KPMG a été rejeté. Un autre juricomptable était dans le dossier, la firme Richter engagée par M. Beaudoin.
[326] M. Andrew Michelin, comptable agréé, déclaré par la Cour témoin expert en comptabilité « with expertise in litigation report », reçoit le mandat de M. Beaudoin de réviser l’expertise de KPMG et d’y apporter ses commentaires.
[329] Pour ce qui est des travaux personnels, M. Michelin dénonce la méthode de travail des experts de KPMG. Pour lui, le travail fait par ses collègues n’est pas du travail de comptable agréé et encore moins du travail d’expert en juricomptabilité. Les gens de KPMG se sont contentés de noter les allégations des chauffeurs quant aux heures consacrées aux travaux personnels et de les multiplier par leur taux horaire.
[330] Ce travail, selon M. Michelin, n’est pas un travail d’expert mais le travail du tribunal suite aux représentations des avocats.
[331] Les gens de KPMG n’ont fait preuve d’aucun scepticisme critique, n’ont fait aucune enquête comptable pour vérifier si les allégations des chauffeurs avaient du sens commun ou non. Ils n’ont pas relevé ni étudié les contradictions. Ils ont écarté en bloc la version de Mme Tremblay et celle de M. Beaudoin sans se poser de question et sans vérifier si elles étaient plausibles.
[350] Revenant sur la réclamation de KPMG, M. Michelin reproche à ceux-ci d’avoir présenté un travail qui n’est pas une expertise comptable ou juricomptable et de l’avoir bonifié en y mettant l’entête KPMG.
[351] On ne peut interroger les chauffeurs, prendre leurs affirmations sur les heures travaillées, les multiplier par leur taux horaire et conclure que M. Beaudoin doit ces sommes.
[352] Les sources de KPMG ne sont ni rigoureuses, ni vérifiées. Si la vérification des sources était impossible, il fallait le dire et s’abstenir de conclure.
[353] Si KPMG avait fait un véritable travail de juricomptabilité, ils auraient vu que les allégations étaient exagérées et non fiables.
[354] De fait, M. Michelin reproche à M. Drolet de ne pas avoir corrigé son expertise après le témoignage des chauffeurs puisqu’il a été présent pendant tout le procès. Ainsi, la version de M. Bourque en cour par rapport à celle donnée hors cour a changé de façon substantielle et quant à celle de M. Dupuis, elle a changé du tout au tout.
[355] Comme toute l’analyse de KPMG est fondée sur le témoignage des chauffeurs, elle perd toute crédibilité.
[367] La Cour retient les très sévères critiques de l’expertise Richter face au travail effectué par les experts KPMG.