Si 2007 a été l'année du début d'une certaine indépendance et autonomie des artistes,
2008 sera sûrement l'année où chaque internaute connaîtra son quart d'heure de gloire.
En effet le refrain de ce début d'année est que tout individu peut devenir producteur de tout artiste...
Est à l'origine de cela, bien sûr, la crise du disque !
Radiohead n'a cessé de le répéter, ils ont gagné plus d'argent en proposant eux mêmes leur album au téléchargement presque gratuit, qu'en le diffusant par le biais d'une maison de disque.
Cela n'est pas sans conséquence pour l'économie de ce secteur.
Jusqu'ici + de 80% du marché est détenu par les 5 majors (à savoir : Unievrsal, Sony, BMG, Warner et EMI)...
Leur rôle, contrairement aux apparences, s'étend de plus en plus pourtant au delà de la production et de la diffusion des albums de leurs artistes... avec notamment la communication, le booking, la production de spectacles nécessaires également à l'essor de cet art...
A noter aussi que la plupart des labels indépendants ne peuvent assurer eux même leur diffusion et revendent donc à cette étape leur travail aux majors qui, bien sûr, prend alors son pourcentage sur les ventes d'albums uniquement distribués... d'où cette monopolisation du marché.
J'en avais parlé là... si on décompte d'un disque
- les 20% honteux de TVA (je râlerai tant que l'état ne fera pas un effort en vers ce marché pour diminuer leur taxe, alors que c'est déjà le cas sur le livre et les partitions (5,5%) et sur la billetterie du spectacle vivant (2,1% env))
- le pourcentage pris par le label (production) et celui pris par la major (distribution) qui tournent souvent dans les 50%
- la part prise par le distributeur lui même (Virgin, Fnac, etc...)
Il ne reste pas grand chose pour les artistes, paroliers, arrangeurs, etc...
C'est à partir de ce constat, couplé à l'essor du téléchargement illégal qui diminue, en amont, la vente des disques, que le secteur tente de réagir pour redonner une santé à ce marché.
L'alternative de l'autoproduction en est une...
Radiohead l'a expérimenté, et comme je l'ai dit ici ils n'étaient pas les premiers à le faire... et ne seront d'ailleurs sûrement pas les derniers !
A cela je vois malgré tout plusieurs inconvénients... Car quels moyens de production, de communication et de diffusion a le tout jeune artiste, sortant son 1er album ?
Soit il peut se faire seconder par un artiste plus reconnu... méthode qui en soi me plaît bien
Soit il galère, tente, échoue et a peu de chance de s'en sortir
D'autre part, le marché du disque, comme de nombreux secteurs économiques, repose sur la compensation.
Quand une maison de disque produit 10 albums, en moyenne 7 ne leur rapporteront rien ... et seront même une perte d'argent. Perte que compensait alors les succès des autres ventes généralement en tête des hits parades et autre box office.
7 artistes pouvaient alors espérer tenter l'aventure au risque de ne pas en faire tirer profit à leur maison de disque... Que deviendront-ils si les maisons de disques ne produisent plus les albums les plus vendus ?
L'alternative à l'ordre du jour et qui devrait se développer en 2008 est celle de l'internaute producteur
On se souvient de la façon dont le chanteur Mano Solo avait produit son dernier album : ses fans internautes avaient alors payé en avance l'album, avec pour avantage celui de bénéficier des titres de leur chanteur en avant première, bien avant leur sortie dans les bacs, et permettait ainsi à Mano Solo de produire lui même son album.
Solution assez ingénue et réfléchie... où tout le monde a à y gagner. Certes !
Vous l'aurez deviné, je suis assez perplexe face à cette nouvelle alternative... tout comme je le suis face à celle de l'autoproduction
Ce principe de l'internaute producteur voudrait que le public puisse s'impliquer directement et financièrement dans la production de l'album d'un artiste de son choix. Voici en tout cas ce que proposent Spidart.com, dont le slogan "You are the label" résume assez bien le principe, et Nomajormusik.com qui entend placer l'artiste et le public "au coeur de la création artistique".
Ces sites invitent les visiteurs à donner un peu (ou beaucoup) d'argent pour permettre "aux petits jeunes de montrer leur talent".
Aux musiciens, Spidart et Nomajormusik permettent de créer une page de présentation avec biographies, informations diverses, concerts, liens, mp3...
Les visiteurs ont ainsi la possibilité de choisir le ou les artistes qu'ils souhaitent aider en prenant des parts de production. Lorsque les investissements réunis atteignent une somme minimale, les partenaires professionnels des deux sites (arrangeurs, ingénieurs du son, producteurs...) entrent en jeu pour donner vie au projet.
C'est du tout joli n'est ce pas ?
Du jour au lendemain, vous pouvez décider de participer, au pourcentage souhaité, à la production d'un album d'un artiste de votre choix... qu'au préalable vous pourrez même conseiller, orienter dans ses choix artistiques selon vos goûts !
Le partage des gains réalisés par la vente de l'album s'effectue ensuite entre les internautes coproducteurs (35 %), l'artiste financé (35 %) et le site Spidart (30 %). Sur Nomajormusik, les parts respectives sont de 40 % pour l'artiste et les internautes et 20 % pour le site.
Ainsi, si vous le souhaitez dès demain vous pouvez devenir agent artistique, producteur, voir même chargé de booking, de communication, de diffusion...
Pourquoi je suis encore plus perplexe face à cette alternative ?
Car producteur, conseiller artistique, diffuseur ne s'inventent pas...
Ce sont des métiers tout comme votre boulanger, votre garagiste ou votre conducteur de train
Et la culture a besoin de personnes de métiers pour continuer à rayonner.
Je ne dis pas ça parce que je fais des études dans ce domaine, et que je sens qu'on me vole peu à peu trop facilement les places que je pourrais envier...
Je doute devenir un jour producteur, d'ailleurs !
Mais le risque encouru ici est que d'une part, l'avenir d'un artiste repose entre les mains d'un acteur qui n'a aucune compétence dans ce domaine... et que même sa création artistique en dépend !
Et c'est sûrement sur ce point que c'est le plus grave.
L'artiste ne l'est à ce titre que si il est libre et créateur. Que devient celui qui compose en fonction d'avis de monsieur et madame tout le monde, juste mélomane, amateur peut être de musique commerciale, ou de tel autre artiste dont il voudrait retrouver ceci ou cela chez celui qu'il soutient.
L'art a besoin de nouveauté autant que de soutien...
Mais est-ce normal que l'alternative à ça soit une perte de la professionnalisation de ce secteur ?
Dans mon monde utopique, le marché du disque renaîtrait de la part d'efforts de tout ceux qui l'ont fait croulé...
soit une responsabilisation des pouvoirs publics (diminution de la taxe, aide à la production, système d'avance sur recette comme pour le cinéma financé par les productions très commerciales), des maisons de disque (pourcentage plus réaliste sur les ventes, ouverture à la distribution à tous les labels indépendants, prise de risque artistique en faveur des petits artistiques avec un appui financier de l'état...), du mélomane (responsabilisation face au téléchargement illégal, ouverture vers le spectacle vivant...)
Le marché du disque en France, est le seul secteur culturel, qui ne bénéficie d'aucun soutien de l'état...
Ce désengagement de l'état, couplé aux problèmes du téléchargement et du monopole des majors, pourrait entraîner la perte complète de toute professionnalisation dans ce secteur, et selon moi, c'est une des plus graves erreurs qu'on pourrait faire !
Un artiste ne vit pas sans son manageur, tourneur, etc...
Et un disque n'est rien sans son producteur !