Nantes, MidiMinuit Poésie, 1

C’est dans un contexte problématique que s’est ouvert aujourd’hui vers midi la dixième édition du festival MidiMinuit Poésie et Jean-Pascal Dubost qui préside la Maison de la Poésie de Nantes, à l’origine du festival, n’a pas caché que la question s’était posée de savoir si on le maintenait.
La réponse fut oui ! Non seulement en raison des mois de travail de préparation, des multiples frais déjà engagés, des invitations lancés aux poètes, plasticiens et musiciens. Mais aussi parce que « être poète, c’est prendre la parole, c’est poser un acte de résistance », faire appel à la « réflexion sensible ». À l’appui de ce dire, Jean-Pascal Dubost se refére à un texte de l’un des invités de cette édition, Christophe Manon, Univerciel, texte poético-philosophique dont il dit qu’il est en étrange résonance avec le climat actuel :  « je pose un refus ferme et définitif de ce temps de cloportes ». La poésie est un langage qui veut s’opposer à la nov-langue et aux slogans pour êtres acéphales. 
Le maintien du festival c’est faire circuler la poésie dans la rue. La poésie fait de nous, dit Jean-Pascal Dubost, des « êtres pensants, libres, qui parlent et s’expriment ». Il s’agit de conjuguer pensée et sensation, en se référant à Jean-François Lyotard : « la poésie est ce qu’elle peut faire »
Courte allocution ensuite de Jean-Louis Jossic, adjoint à la culture de la Mairie de Nantes qui dit aimer qu’on voie à Nantes des « choses surprenantes qui ne se font pas ailleurs et que la poésie sorte de son sérail pour se retrouver dans les cafés, les cours, les rues, les magasins, les places. » Allusion directe à l’installation de Fanette Mellier sur la façade des Galeries Lafayette. Ou bien encore aux actions menées avec la population de la ville lors d’ateliers de lecture avec Marc Le Gros, Jacques Josse et Paol Keineg. Et de conclure « Barbarie tu es foutue, la poésie est dans la rue ». 
Guenaël Boutouillet présente alors la première prestation de la journée, la lecture-performance de Fred Griot, accompagné de Yann Féry. Il évoque le double champ d’intervention de Fred Griot, le net (son propre site, la coopération d’édition numérique publie.net dont il est un des piliers et remue.net). Et la scène « qu’il arpente à l’envers, vers l’autre, vers le dedans », toujours à la recherche de la langue, de son « parl » rappelant comme l’a dit Raymond Federman que le corps est « l’instrument de la littérature »
Commence ensuite la performance de Fred Griot & de Yann Féry. Très impressionnante, très bel alliage de la musique et du texte. Le guitariste produit une intro avec des sons encore très lointains et sourds, travaillant accroupi par terre devant sa guitare dont il approche un diapason. Fred Griot entre en scène dans ce contexte sonore qui a déjà installé une atmosphère et commence à dérouler son texte. Diction impeccable, texte su par cœur, véritablement mis en scène, de façon prenante.  « il fait gris…, le jour qui s’en va tôt, dans une ruine d’arbres roux, de mousses, d’écureuils et de nuages froids comme des loups ». Musique crescendo. « La terre blanche d’hiver bête grelottante dans ce givre sans fin ». Evocations de paysages ou de scènes, portraits comme celui d’un SDF, mais aussi poésie pensant son propre travail : « c’est de la matière commune, c’est écrit avec ça, c’est pas fait avec autre chose, ça tombe comme ça, matière commune, imprévisible, inattendue, à la recherche d’une matière de langue, terre organique, basale, rustre, racine » dont tout le spectacle donne bien à voir qu’il s’agit de l’extraire et de la porter au jour, en une vraie « creuse de langue ». 
@Florence Trocmé

photos de haut en bas, scène avec Yann Fery et Fred Griot,  Jean-Pascal Dubost, Jean-Louis Jossic, Guenaël Boutouillet, Yann Fery, Fred Griot et installation graphique de Fanette Mellier sur la façade des Galeries Lafayette.