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Fric, merde et sacré (Jean Clair)

Publié le 16 octobre 2010 par Marc Lenot

La chronique de Jean Clair parue dans Le Monde du 3 octobre, que je lis avec retard, ne m’étonne guère de la part de cet auteur, mais m’incite à écrire quelques lignes.

Vu sa carrière et sa formation, on peut comprendre que Jean Clair ne comprenne rien à la finance, ne connaissant de la banque que ses relevés mensuels de compte et confondant allègrement hedge funds, titrisation et Ponzi, tout dans le même panier. L’ennuyeux, c’est qu’il prétend nous expliquer le marché de l’art avec des termes qu’il ne comprend pas, mais qu’il a dû pécher dans ‘La finance pour les Nuls’. Passe encore, il n’est pas le premier

Plus intéressant est son passage sur l’excrément. Je présume que son psychanalyste (si, par hasard, il en a un) sera ravi de découvrir ce texte très démonstratif d’une difficulté à dépasser le stade anal. Pour lui, le visqueux, le gluant chez Leiris, Caillois, Bataille ou Sartre, c’était déjà à peine acceptable, mais chez Quinn, Hirst, Gober ou Gasiorowski, ça n’a aucun sens. Au temps des premiers, «au moins y avait-il encore un sacré pour permettre un sacrilège».

Voilà tout le mal, la disparition du sacré ! (Peut-être devrait-il en parler à Jean de Loisy…).L’ordre, aujourd’hui n’est (hélas) « plus assumé ni dans l’ordre du religieux ni dans l’ordre du politique ». Au moins les musulmans et les juifs (j’ignorais, au passage, cette censure de la communauté juive de Milan envers Maurizio Cattelan) défendent-ils leurs valeurs sacrées. Mais l’Occident (auquel n’appartiendraient donc ni les juifs ni les musulmans…), lui, ne sait plus défendre son sacré : la Nona Hora n’a suscité aucun scandale. C’est bien la preuve, pour notre conservateur en chef, que notre monde part en quenouille.

À part ces fantasmes rétrogrades, qui raviront les opposants à Larry Clark, Murakami ou Abu Dhabi, ce texte est symptomatique d’une dérive polémique chez les critiques et historiens d’art (à laquelle je succombe parfois, mais tente d’échapper en limitant mes coups de gueule aux samedis, promis). Je ne voudrais pas tomber dans le travers de tel site qui n’existe plus guère que par ses éditoriaux, sous-traitant ses critiques d’expositions à des stagiaires, voire aux commissaires d’exposition eux-mêmes ; ou de tel autre site qui, trop occupé à polémiquer sur l’excès d’énarques dans les musées ou à déplorer la non-réfection de la toiture d’une église de Haute-Marne, n’a publié que sept critiques d’exposition pendant les trois derniers mois, de qualité certes, mais trop rares.


Sur la valeur, concept dont la définition aurait été essentielle pour cette démonstration si Jean Clair avait fait un vrai travail de réflexion avant d’écrire son article venimeux (mais il est coutumier de ces approximations), lisez le prochain numéro de Marges, qui sortira début novembre, vous aurez de quoi réfléchir, là.


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