J’avoue ne pas très bien comprend re l’engouement que peut provoquer cette sexagénaire boulotte, rigide et austère, surtout auprès des jeunes (elle n’est pas vraiment très bandante, ni physiquement ni – surtout, c’est plus grave – intellectuellement, et encore moins idéologiquement), ni comment on peut se prétendre encore de gauche après l’avoir regardée, entendue, comprise et accepté ses orientations et déclarations, mais bon… je suis sûrement très sectaire. Et j’ai une bonne excuse : je n’ai pas regardé l’émission de la non moins charmante Arlette Chabot. J’en suis encore tout contrit…
N’empêche que se prétendre de gauche, se dire ou tenter de se faire passer pour quelqu’un de proche du peuple en laissant supposer que l’on combat vaillamment sur le dossier des retraites et commettre certains écarts de langage et de pensée comme elle l’a fait en janvier dernier, voilà qui ne manque pas de sel… à déposer sur la queue des (vrais) socialistes pour les empêcher de voler, et d’atteindre leurs rêves.
Si l’on rajoute à ce léger détail (après tout, d’autres ont vu leur langue fourcher…) :
> ses amitiés particulières, notamment avec Alain Minc, qui confirment bien tristement les propos du couple des Pinçon-Charlot dans « le Président des riches » sur l’existence d’une certaine oligarchie française qui survole allègrement les clivages gauche-droite, autour de Sarkozy… (voir ci-après un extrait significatif et non sans rapport avec ce qui nous préoccupe…)
> son refus de demander le retrait pur et simple de ce projet, contrairement à tous ceux qui se battent dans la rue pour nos retraites, appuyès apr les syndicats : « Jeudi, elle a clairement dit que le projet socialiste incluait l’allongement de la durée de cotisations, sujet sur lequel un certain flou avait été entretenu » (source : AFP)
> Son pacte de non agression envers DSK, qui passe par un remerciement appuyé pendant l’émission d’hier aux « statisticiens du FMI », comme s’ils travaillaient directement pour le PS… Ce qui en dit long sur la connivence des forces de l’argent, en France. Et son extraordinaire capacité à dépasser, effectivement, les clivages qualifiés de partisans, d’archaïques, comme nous y encouragent aussi certains blogueurs de cette mouvance qui se gaussent si volontiers de notre couleur… ouvertement rouge. Qu’ils méditent cependant sur le fait que la meilleure publicité pour DSK, elle vient de droite… Ainsi, ici. Et là… Et encore là. Ce qui confirme mon propos de toujours sur le flou idéologique entre une certaine droite et une certaine gauche.
Et quand Woerth lui-même remercie DSK à propos de sa position sur le dossier des retraites, voilà qui illustre à merveille le flou idéologique existant (que je dénonce sans cesse depuis le début de ce blog à longueur d’articles) entre ces deux hommes… et leurs partis respectifs. En tous les cas, sur ce point.
En tous les cas, il n’est pas certain que les petits arrangements entre amis, au sein du PS, ne risquent pas de faire voler en éclat une certaine idée de la gauche le jour du choix dans l’urne… Voire une certaine idée de al politique tout court, sur laquelle plane déja, ou encore, le spectre de 2002…
La majorité des français, qui ne votent pas ou plus, n’est d’ailleurs pas vraiment dupe du jeu politiquement si correct aux yeux de l’intelligentsia politique (mais comme une trahison aux yeux des gens de gauche) qui se joue dans les médias traditionnels, puisqu’elle a aussi clairement que massivement déserté cette émission d’hier soir, comme elle déserte les urnes quand le champ politique est aussi morne que d’ avoir à choisir entre une gauche molle et une certaine droite, même dure…
A vous de juger… de la crédibilité de cette candidate, comme de celle des autres, lors des primaires. Si jamais les socialistes l’ouvrent vraiment à toute la gauche, ce qui serait fort surprenant (il faut avoir des couilles), je doute qu’ils soient ravis d’avoir à choisir entre Charybde Aubry et Scylla Strauss-Kahn. Quant à Hollande… J’en rigole déjà d’avance (rouge !)
Heureusement qu’il y a des gens plus résolus pour défendre nos droits… autrement que par de beaux discours.
Pour clore ce billet, voici l’extrait promis du livre que je suis en train de lire, qui me semble assez édifiant quant aux rapports des conseillers et autres experts qui prodiguent leurs conseils aussi bien à gauche (mais laquelle ?) qu’à droite… avec les errements que l’on peut constater tous les jours, et qui rendent les gens si amers à propos d’une certaine manière de faire de la politique, tout en provoquant cette si lourde et néfaste abstention, contre laquelle il nous faut lutter en renouant en prise directe avec « les vraies gens », c’est-à-dire tous les français :
Les conseillers professionnels des princes
L’oligarchie ne peut fonctionner sans les célébrissimes Alain Minc et autres Jacques Attali. Alain Minc est un ami de Dominique Strauss-Kahn, lequel, vieil adhérent du Parti socialiste, est devenu directeur du Fonds monétaire international le 1er novembre 2007. Il conseille aussi Nicolas Sarkozy. Jacques Attali, auparavant conseiller de François Mitterrand, est lui aussi mis à contribution par le chef de l’État. Ces deux conseillers démontrent que les réseaux de l’oligarchie de droite et ceux de l’oligarchie de gauche peuvent se rencontrer et se confondre. Les divergences politiques deviennent mineures lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts majeurs du système capitaliste.
Certains personnages incarnent à merveille ce brouillard idéologique. Matthieu Pigasse est au cœur de ces imbroglios où un chat de droite pas plus qu’un chat de gauche ne retrouverait ses petits. Membre du Parti socialiste, il est aussi banquier d’affaires, à la tête de Lazard France et Europe. Il a travaillé au cabinet de Dominique Strauss-Kahn à Bercy. Puis il a enchaîné chez Laurent Fabius. Où il a contribué à quelques nouvelles privatisations. Il doit son entrée chez Lazard à Alain Minc. Mais c’est par goût personnel que, durant l’été 2009, il a acheté Les Inrockuptibles.
Les conseillers en communication, dans une société où la notoriété doit beaucoup à l’image que l’on donne de soi, sont désormais au cœur de l’oligarchie. Leurs conseils doivent permettre à celui ou à celle qui entreprend de construire une carrière publique de maîtriser efficacement son image.
Anne Méaux fait partie de ces conseillers qui transforment leurs clients en produits pour lesquels le travail consiste à définir le « marketing » le plus efficace. Stéphane Fouks et Michel Calzaroni sont ses concurrents. Ces conseillers, auxquels la journaliste Raphaëlle Bacqué a consacré, le 25 mars 2010, deux pages du Monde, sont au carrefour des interactions et des dynamiques entre les responsables des sociétés du CAC 40, de certaines entreprises publiques et des hommes politiques.
Raphaëlle Bacqué dresse avec une certaine délectation la liste des convives aux dîners d’Anne Méaux, à Paris ou près de Saint-Tropez. Comme dans un cercle, sont rassemblés autour de la table des personnalités dominantes dans les différentes sphères de l’activité sociale. Côte à côte des hommes d’affaires, Jean-Charles Naouri, Marc Ladreit de Lacharrière, François Pinault, Michel David-Weill, et quelques personnalités politiques, Éric Woerth, Hervé Novelli, Jean-Pierre Raffarin, Valéry Giscard d’Estaing. Ou encore des journalistes, Catherine Nay, du Point, Jean-Marie Pontault, de L’Express, avec quelques magistrats et avocats d’affaires.
Anne Méaux a des relations très efficaces à Bercy, bien « qu’elle n’ait jamais fait partie des proches de Nicolas Sarkozy ». Selon Raphaëlle Bacqué, elle a conseillé Stéphane Courbit lorsqu’il a voulu racheter la régie publicitaire de France Télévisions. Le producteur de séries de téléréalité a ainsi pu disposer d’informations de première main sur les conditions de privatisation de la régie.
Stéphane Fouks, « cet ancien rocardien, ami de Dominique Strauss-Kahn et de Manuel Valls, recherche des clients dans tous les gouvernements, précise Raphaëlle Bacqué. Y compris à l’étranger où il conseille le président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, du Gabon, Ali Bongo et d’autres ». Pays où Vincent Bolloré fait des affaires. Aussi est-ce sans surprise que nous apprenons que Stéphane Fouks est non seulement président exécutif d’Euro RSCG Worldwide, mais également directeur général de Havas, société présidée par Vincent Bolloré. Stéphane Fouks assure aussi, personnellement, le conseil pour le FMI et pour son ami Dominique Strauss-Kahn.
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La puissance du pouvoir oligarchique actuel dépasse la seule personne de Nicolas Sarkozy. Celui-ci, par ses fonctions et ses engagements, se trouve au centre de ces réseaux. Il en est le porte-parole et il en défend les intérêts. Mais il n’est somme toute qu’un acteur apprécié et utile au poste stratégique qu’il occupe. Si cela tourne mal, s’il n’est pas réélu en 2012, les réseaux du pouvoir pourront toujours lui trouver un remplaçant, dans son camp ou dans un autre.
C’est l’un des pires dangers d’une situation qui a dégagé à droite, mais aussi à gauche, des personnalités susceptibles d’accéder aux plus hautes responsabilités pour prendre les mesures les plus favorables au capitalisme financier. Nicolas Sarkozy peut être remplacé, y compris par un(e) leader socialiste, en préservant les intérêts essentiels de l’oligarchie : n’oublions pas que ce sont des socialistes qui ont nationalisé le système bancaire dans les années 1980 et d’autres socialistes qui l’ont reprivatisé quelque temps après.
(source ici)
En savoir plus sur les ententes entre bonnet blanc et blanc bonnet dans les coulisses :
Variae (Romain Pigenel) : amères primaires
Marianne2 : Primaires du PS : Les jeux sont faits… depuis longtemps
Perdre la raison : Primaires à gauche…
AFP : DSK et Aubry "en situation" d’être candidats, moi "pas du tout", dit Fabius
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