Invitée hier soir de l’émission A vous de juger, Martine Aubry a joué la carte de la responsabilité sur le dossier des retraites en réclamant une renégociation du projet et non son retrait pur et simple. La Première secrétaire du PS en réponse au mouvement social demande la suspension des débats parlementaires et l’ouverture d’une réelle concertation avec les syndicats et l’opposition.
Une réforme oui, mais pas celle-là. C’est en substance le message délivré par la Maire de Lille qui remet ainsi adroitement le caillou des retraites de la rue dans la cour de l’Elysée. “La France ne veut pas de cette réforme. Je m’adresse au président de la République : je lui demande de suspendre ces discussions au Sénat, mais aussi de mettre aussitôt les syndicats autour de la table, de remettre tout à plat”. “Il faut une réforme des retraites, on est tous d’accord. Pour la faire, il faut discuter, négocier et il faut surtout la justice. L’opposition aidera à trouver des solutions. Nous avons un projet, nous sommes tout à fait prêts à en débattre“.
Sans dévoiler le détail des contre-propositions socialistes, au-delà du fait que le projet socialiste inclue l’allongement de la durée de cotisations, Martine Aubry formalise le sentiment général des manifestants et grévistes lorsqu’elle demande équité et équilibre dans la réforme.
Voilà Nicolas Sarkozy habillé pour ces froides journées d’octobre, accusé de servir en priorité les intérêts “des riches” et de porter la responsabilité des mouvements sociaux : il n’y a “qu’un seul responsable, celui qui ne veut pas entendre“.
Le gouvernement, et c’est une erreur, a adressé par la voix d’Eric Woerth, une fin de non recevoir . Comment accuser le PS de ne pas être crédible et de na pas avoir de solutions sans le contraindre à dévoiler ses cartes ? La stratégie de la course de vitesse choisie par l’Elysée n’avait pas prévu que la réforme des retraites cristalliserait tous les malaises de la société.
Le lapin Sarkozy est rejoint par la tortue Aubry dans un coude à coude inattendu. Le Roi de la réforme est aujourd’hui celui par lequel la sclérose arrive. Englué dans les affaires Nicolas Sarkozy a perdu toute marge de manœuvre en dehors d’un passage en force, efficace dans l’instant mais, stérilisant pour l’avenir. Le roi soleil s’est mué en sanglier dans un champ de blé.
Et ce ne sont pas les nouvelles révélations de Mediapart qui vont arranger le climat. Petit média mais à l’origine de gros scandales, le site internet d’Edwy Plenel fait état d’une stratégie au sommet de l’Etat visant à ce que la réforme des retraites favorise les intérêts du groupe Malakoff Médéric, dont le délégué général n’est autre que Guillaume Sarkozy, le frère du chef de l’Etat. L’information, si elle était avérée, confirmerait ce que beaucoup d’opposants à la réforme déclarent à voix basse depuis longtemps. A savoir que cette dernière viserait à faciliter l’émergence d’un système parallèle par capitalisation géré par des grands fonds de pension dont le groupe Malakoff Médéric.
Et la France dans tout ça ? Différents économistes se désespèrent de voir notre pays rester dans sa bulle, autiste à l’évolution du monde, recroquevillé sur des schémas surannés. Le monde a changé, notre pays doit faire de même.
A ce titre l’opposition doit faire sa révolution culturelle pour ne plus apparaître, à front renversé, comme les “conservateurs” de paradigmes dépassés. Le PS de Martine Aubry doit notamment (re)devenir le parti du mouvement en démontrant que réformer ne rime pas obligatoirement avec régresser mais peut et doit être synonyme de progrès et de sécurisation.
Cette mutation ne se fait pas sans douleurs. Martine Aubry a fini par se ranger derrière l’avis de l’aile droite du PS contre les sirènes de l’aile gauche, enivrée par le mouvement social, favorable à un retrait pur et simple.
Jeudi matin, le chef de file des députés PS, Jean-Marc Ayrault, avait défendu une position de parti de gouvernement susceptible de revenir rapidement aux affaires en expliquant que tout n’était pas forcément à rejeter dans le projet gouvernemental, hormis les principales mesures d’âge, et surtout qu’il fallait s’orienter vers la recherche d’un compromis dans “l’intérêt général du pays”. Un sentiment notamment partagé par Manuel Valls et François Hollande. Et désormais Martine Aubry.
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