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Sublime laideur... (Sufjan Stevens à la dérive)

Publié le 15 octobre 2010 par Stéphane Kahn

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En quelques semaines, deux coups de poignards, enfoncés dans mon cœur par un ami cher, le dernier dont j’aurais attendu cela. Certes, on s’était un peu perdus de vue depuis quelques années, mais quand même, je ne pouvais pas m’attendre à cette trahison… Eh oui, Sufjan Stevens, vénéré pour les beautés de Michigan et Illinoise revient aux affaires et c’est pas joli-joli. J’avais volontairement ignoré ses deux disques intrumentaux parus l’an dernier, flairant les trous bouchés pour faire patienter, et puis voilà qu’il déboulait il y a un mois avec un EP indigeste (All Delighted People) pour annoncer le vrai album au sujet duquel nombre de commentateurs s’ébaubissent aujourd’hui : The Age of Adz. En fait, deux albums puisque le EP à l’atroce pochette photoshop excédant les 70 minutes, il n’en a que le nom. Affectueusement – gentiment écœuré par sa grandiloquence, ses arrangements d’une lourdeur exaspérante – je l’avais rebaptisé  sur un site ami "All Dégueulis People" (j’ai honte, je l'avoue). Mais oui, si y surnageait quand même une ou deux beautés acoustiques, tout cela ressemblait à une parodie de The Polyphonic Spree (collectif estimable et plaisant mais en soi déjà assez parodique), un truc tellement sucré, tellement gras, qu’il a bouché mes chiottes illico. Bon…

The Age of Adz, c’est autre chose. Et c’est aussi un peu la même chose en dépit des notes d’intention, de son apparence novatrice et si résolument "moderne". C’est un disque fascinant, c’est sûr. Fascinant tant il se présente décomplexé, peu soucieux du bon goût, de la mode, de la mesure ou de la dignité. Hideux, sublime, grotesque. Hugolien dans sa démesure. Un truc aussi beau (parfois) qu’il peut être laid (souvent). Exactement, là, dans cette définition où se niche le kitsch. Délire d’ingé-son, le nouveau Sufjan Stevens empile les couches sonores en toute impunité, multiplie les overdubs, sample, bricole, triture, échantillonne, noie les chansons et les mélodies dans des expérimentations sonores, des collages artificiels espérant en remontrer à la concurrence. Quitte même à utiliser un incongru vocoder, à se prendre dans une bouffée délirante pour un Daft Punk symphonique. Mais à quoi bon ? Comment vous dire ? Les productions ouvragés des pires albums de Queen, même le dernier étron de Muse, à côté, c’est du Steve Albini… Et là, on comprend que ce qu’on aimait chez Sufjan Stevens, c’était plutôt son versant folk, pas son maniérisme pompier qui déborde ici de chaque sillon de ce vinyl que je ne songerais même pas à voler…

Allez, Sufjan, offre-toi un quatre pistes sur un vide grenier, enferme-toi dans ta cabane en bois, enregistre un nouveau chef-d'œuvre et on n'en parle plus, ok ?


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