A la veille de l’ouverture à Dakar d’une conférence sur « l’Afrique et les dangers de la mondialisation du crime », le président de la Guinée-Bissau voisine, fréquemment présentée comme un « narco-État », rétablissait dans ses fonctions à la tête de la Marine un amiral accusé d’être impliqué dans le trafic de cocaïne.
Déjà chef d’état-major de la Marine par le passé, soupçonné de vouloir commettre un putsch, José Américo Bubo Na Tchuto avait fui le pays en août 2008. En avril dernier, il avait été ajouté à la liste américaine des « barons de la drogue », interdisant toute relation commerciale avec lui et gelant ses avoirs aux États-Unis.
L’officier est « depuis longtemps soupçonné d’être un soutien majeur au trafic de stupéfiants en Guinée-Bissau », selon le Département du Trésor. Washington l’accuse notamment d’avoir été partie prenante en 2008, avec son homologue chef d’état-major de l’armée de l’air, du transfert aérien d’une cargaison de plusieurs centaines de kilos de cocaïne depuis la Colombie.
"Rebond" de la cocaïne sud-américaine vers l’Europe
Petit pays côtier d’Afrique de l’Ouest, l’ancienne colonie portugaise est régulièrement montrée du doigt pour son rôle dans le « rebond » de la cocaïne sud-américaine vers l’Europe. Depuis l’an dernier, la lutte entre clans du pouvoir autour de ce trafic donne lieu à des règlements de comptes sanglants.Na Tchuto y tint un rôle non négligeable. En mars 2009, son ennemi le chef d’état-major des armées, Batista Tagmé Na Waie, était tué dans un attentat à la bombe suivi, quelques heures plus tard, de l’assassinat du président Joao Bernardo Vieira par des militaires.
Le mois suivant, le général Antonio Injai, allié de Na Tchuto, prenait le pas sur les officiers réformateurs et séquestrait le premier ministre Carlos Gomes Junior, adversaire du narcotrafic. Il est désormais le chef d’état-major général et l’homme fort du pays. En juin, le tribunal militaire avait classé définitivement le dossier de Na Tchuto.
Peu après le dernier coup d’État, un important stock de cocaïne issu de plusieurs saisies disparaissaient des locaux de la police. « Les propriétaires de ces cargaisons, des trafiquants colombiens, pourraient en avoir conclu que leurs partenaires ouest-africains avaient décidé de garder 100 % de la livraison, au lieu d’un tiers, et mirent un terme aux relations », relatait un récent rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
"Moins de saisies par bateau, plus par voie aérienne"
Mais les accalmies de ce genre ne sont généralement que de courte durée, et sont mises à profit par les trafiquants pour trouver de nouveaux circuits d’acheminement de la poudre blanche, par exemple au moyen d’avions spécialement dédiés au transport de drogue. Le crash d’un Boeing 727, en novembre 2009 au Mali, fut un indice de cette nouvelle tendance.
« Il y a moins de saisies par bateau, plus par voie aérienne, mais la voie maritime passe peut-être par de nouveaux pays, remarque Christophe Champin, auteur d’Afrique noire, poudre blanche (1). Les trafiquants s’adaptent ! »
Pour ce spécialiste de l’Afrique de l’Ouest, le retour en fonction de Na Tchuto est un « message clair » adressé aux pourfendeurs du trafic de drogue. Les États-Unis et l’Union européenne ont d’ailleurs exprimé leurs « regrets » à l’annonce de cette nomination.
Le transit de cocaïne en Afrique de l’Ouest – qui n’est qu’une des voies d’approvisionnement de l’Europe occidentale – est estimé par l’ONUDC à 25 tonnes par an en 2008, pour un montant de revente finale de 4,8 milliards d’euros. Des efforts de coordination régionale et internationale
Aux États de transit « traditionnels », tels que la Gambie, la Guinée-Bissau ou la Guinée-Conakry, s’ajoutent des pays à l’image flatteuse mais qui sont loin d’être des modèles, notamment en matière de blanchiment, comme le Sénégal ou le Ghana.
Face au développement du trafic, les efforts de coordination régionale et internationale sont affichés, comme en témoignait le lancement mercredi 13 octobre à Dakar du projet Aircop. La coopération des pays occidentaux s’accroît également, notamment par la formation de policiers spécialisés et l’envoi d’officiers de liaison.
« Mais les progrès sont lents, car les débouchés restent importants en Europe et les sommes en jeu incalculables », note Christophe Champin.
En Guinée-Bissau, seule une réforme du secteur de la sécurité pourrait éviter que le pays bascule dans le non-droit absolu. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) avait fait part l’an dernier de sa disponibilité à envoyer une force de 600 hommes pour stabiliser le pays. Mais les militaires bissau-guinéens ne l’entendent pas ainsi, et la proposition est restée lettre morte.
Laurent D’ERSU
"Moins de saisies par bateau, plus par voie aérienne"
Mais les accalmies de ce genre ne sont généralement que de courte durée, et sont mises à profit par les trafiquants pour trouver de nouveaux circuits d’acheminement de la poudre blanche, par exemple au moyen d’avions spécialement dédiés au transport de drogue. Le crash d’un Boeing 727, en novembre 2009 au Mali, fut un indice de cette nouvelle tendance.« Il y a moins de saisies par bateau, plus par voie aérienne, mais la voie maritime passe peut-être par de nouveaux pays, remarque Christophe Champin, auteur d’Afrique noire, poudre blanche (1). Les trafiquants s’adaptent ! »
Pour ce spécialiste de l’Afrique de l’Ouest, le retour en fonction de Na Tchuto est un « message clair » adressé aux pourfendeurs du trafic de drogue. Les États-Unis et l’Union européenne ont d’ailleurs exprimé leurs « regrets » à l’annonce de cette nomination.
Le transit de cocaïne en Afrique de l’Ouest – qui n’est qu’une des voies d’approvisionnement de l’Europe occidentale – est estimé par l’ONUDC à 25 tonnes par an en 2008, pour un montant de revente finale de 4,8 milliards d’euros.
Des efforts de coordination régionale et internationale
Aux États de transit « traditionnels », tels que la Gambie, la Guinée-Bissau ou la Guinée-Conakry, s’ajoutent des pays à l’image flatteuse mais qui sont loin d’être des modèles, notamment en matière de blanchiment, comme le Sénégal ou le Ghana.Face au développement du trafic, les efforts de coordination régionale et internationale sont affichés, comme en témoignait le lancement mercredi 13 octobre à Dakar du projet Aircop. La coopération des pays occidentaux s’accroît également, notamment par la formation de policiers spécialisés et l’envoi d’officiers de liaison.
« Mais les progrès sont lents, car les débouchés restent importants en Europe et les sommes en jeu incalculables », note Christophe Champin.
En Guinée-Bissau, seule une réforme du secteur de la sécurité pourrait éviter que le pays bascule dans le non-droit absolu. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) avait fait part l’an dernier de sa disponibilité à envoyer une force de 600 hommes pour stabiliser le pays. Mais les militaires bissau-guinéens ne l’entendent pas ainsi, et la proposition est restée lettre morte.
Laurent D’ERSU