Magazine
Le Pays des cerisiers
de Fumiyo Kouno
2006, "Made In" Kana
Je n'ai pas envie de raconter l'histoire de ce manga. Je veux juste que vous le lisiez, mais je ne sais pas comment m'y prendre. D'habitude, les mots coulent tous seuls, mais là,
je ne sais pas. Je ne sais pas.
En deux mots : ce volume d'à peine 100 pages contient deux histoires : "La ville du Yunagi", et "Le pays des cerisiers". C'est, raconté à hauteur d'homme, ou
plutôt de femme, la tragédie des survivants d'Hiroshima, vivants en sursis, qui, dix ans après, essaient de reconstruire modestement un environnement où vivre les choses quotidiennes et
ordinaires. Essaient d'éprouver des sentiments. Essaient de s'imaginer un avenir. Histoire de continuer, et d'ajouter une nouvelle journée à celle d'hier. Au jour le jour, les survivants meurent.
De maladie. Sans que personne ne sache mettre un nom sur la malédiction qui le frappe. Mais sans que personne ne se fasse d'illusion.
"Personne n'en parle. On ne sait toujours pas pourquoi c'est arrivé. Tout ce qu'on sait, c'est que quelqu'un s'est dit que notre mort importait peu."
"Moi, sans m'en rendre compte, je m'étais brûlé le bras, et la barrette dans mes cheveux avait fondu."
"10 ans ont passé mais ceux qui ont lancé la bombe atomique pensent-ils encore en me voyant : hourra! on en a encore tué une?"
Dans ces deux histoires, on suit la trajectoire brisée de deux jeunes femmes, qui ailleurs, vivraient l'ordinaire histoire d'amour, mais dont le destin devient ici si extraordinaire, car bâti sur
les cadavres que l'on essaie de ne pas voir. Car il faut bien vivre. Si possible.
La ville du Yunagi & Le pays des cerisiers sont deux courts récits qui vous broient le coeur, simples et évidents, d'une infinie tristesse mais sans pathos
ni démonstrations de larmes gratuites. Au contraire, une douce lumière, une subtile poésie nous berce, et c'est d'autant plus touchant d'accompagner ces personnages tous simples, qui font face à
leur destin avec un si grand courage.
L'auteur, Fumiyo Kouo, une mangaka, met en exergue cette citation d'André Gide : "Je ne me suis jamais senti grand goût pour portraire les triomphants et les
glorieux de ce monde, mais bien ceux dont la plus grande gloire est cachée."
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