L'histoire :
C'est une autobiographie. Hideo Azuma, mangaka prolifique et rencontrant un grand succès, pête un câble soudainement et plaque tout : sa femme, son logement, son métier. Il fugue et commence une vie de sans domicile fixe. dehors, il mange le contenu des poubelles, dort sous une bâche dans des parcs, évite tout contact et ne survit que pour trouver les quelques yens qui lui permettront d'acheter du saké bon marché. Ramassé par la police, il est reconnu et ramené chez lui. Il re-fugue. Après quelques temps dans la rue, il trouve du travail : technicien du gaz. Sous l'anonymat d'une vie d'ouvrier gazier, il vit seul, au jour le jour. Après un an de cette vie, il retourne de nouveau chez lui et recommence à dessiner. Sa troisième fuite se fera dans l'alcool. Le manga se termine par l'histoire de sa cure de désintoxication, dans un hôpital.
Ce que j'en pense :
Raconté comme ça, c'est pas vraiment engageant. Pourtant, c'est un manga plein d'humour, parfois terrifiant mais jamais misérabiliste, et sans auto-apitoiement. Il vaut le coup d'être lu.
C'est il y a peu, en lisant le blog l'Heure du boeuf que mon attention était attirée par la critique d'un manga que j'avais aperçu à la médiathèque, le Journal d'une disparition, de Hideo Azuma. L'occasion faisant le larron newbie, il fallait bien que je l'emprunte. Après la lecture de ce one-shot, d'un auteur que je ne connaissais pas du tout, je suis partagé.
Ce qui m'a frappé dès les premières pages, c'est le contraste saisissant entre, d'une part, un dessin tout en rondeur, proche d'Osamu Tezuka (le côté bonshommes à "gros nez"), fait pour raconter des histoires rigolotes ou gentilles, et d'autre part, un récit sans concession, détaché, objectif, de la vie d'un SDF. Rien ne nous est épargné : la fouille des poubelles, la chasse aux mégots, la nuit dehors, le froid et la faim. Mais ce n'est pas "les Amants du *Pont-Neuf" : ici le propos est de faire rire, le point de vue d'Hideo Azuma sur sa vie étant optimiste : "la base de l'humour est de se regarder avec les yeux d'un autre", écrit-il en postface.
Au fil des pages, un sentiment de malaise me gagne pourtant. Comment et pourquoi s'intéresser à la vie d'un SDF, sans que soient évoqués les raisons qui l'ont poussé à choisir cette vie? Et n'y a-t-il pas une forme de voyeurisme morbide à continuer la lecture?
Mais plus loin, après quelques péripéties pas toujours passionnantes (le trop long chapitre sur sa vie de technicien du gaz, amusant au début, mais assez vite lassant : franchement, ça vous branche, vous, le récit détaillé d'une intervention sur des tuyeaux de gaz?), Azuma aborde la vraie problématique de son récit : la vie infernale d'un mangaka à succès. Et de fait, ce n'est pas rose, et on entrevoit comment, malgré le succès, un mangaka peut craquer et tout quitter. Pression financière (dessiner pour vivre), pression des éditeurs, frustration du créateur, pannes d'inspiration, concessions à la mode... Azuma dessine tout et n'importe quoi, du shojo, du shonen, du space opéra, de l'érotisme, de la magical girl, du moment que ça plaît. Jusqu'au jour où il ne peut plus... et où il décide de disparaître.
Ce chapitre du manga jette un éclairage cru sur la vie de mangaka, assez effrayant mais indispensable à connaître pour tout amateur de manga et d'anime.
A la fin de la lecture, les petits dessins rigolos ont laissé place à l'impression d'avoir suivi un vrai documentaire, mais raconté avec lucidité et humour, et un ton qui rend l'auteur attachant, même avec ses pires défauts : paresse, lâcheté, faiblesse. Parce que le Journal d'une disparition pourraît être l'histoire de n'importe qui, la mienne, la vôtre, et qu'il y a une forme d'héroïsme à la raconter de cette manière.
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