Ce tableau du mois représente de façon humoristique l'heure de fermeture dans la Grande Galerie, pendant le Salon de 1847. Le sous titre du tableau est « On ferme ! » car les personnages principaux sont les gardiens, vêtus d’uniformes rouge galonnés d’or, coiffés de bicornes ornés de cocardes. On les voit s’époumoner pour annoncer la fermeture. Leurs efforts ne semblent pas couronnés de succès car la foule reste agglutinée devant les tableaux. Pour ajouter une touche d’humour, sur la droite un homme le nez sur le catalogue et tenant un cornet acoustique cumule la surdité à la myopie ce qui ne facilite pas la tâche des gardiens. Un critique écrit alors : « Monsieur Biard a fait fureur cette année parmi les gardiens avec son tableau de Quatre heures au Salon et toutes ces bouches répétant à l’envi : On ferme ! On ferme ! – Le jour de l’ouverture, on dit que les gardiens, corrigés et honteux, avaient mis une sourdine à leur voix souvent peu harmonieuse. M. Biard fait de la peinture utile ».
François Biard (1798 – 1882) est un peintre qui connaît un grand succès populaire au milieu du XIXe siècle, ses tableaux satiriques sont toujours pris d’assaut par le public lors de leur exposition. Revers de la médaille quand il veut peindre un sujet d’histoire « sérieux » tout le monde pense qu’il s’agit d’une farce.
Depuis le XVIIIe siècle le « Salon des artistes vivants » est un moment fort de la vie artistique française. Au début les œuvres étaient exposées dans le Salon carré (à noter qu’en fait il n’est pas carré puisqu’il mesure 24 mètres sur 15 !) puis elles débordent dans la Grande Galerie où les tableaux sont accrochés « à touche touche » jusqu’au plafond. Tous les ans, du premier mars à fin mai, des dizaines de milliers de visiteurs se précipitaient au Salon, un peu à l’image du succès des grandes expositions artistiques contemporaines. Vous vous étonnez peut être de l’horaire de fermeture du musée mais je vous rappelle qu’en 1847 l’éclairage électrique n’existait pas, il fallait donc tenir compte de la lumière du jour.
Pour finir, corrigeons cette image caricaturale des gardiens. En 1849 le Directeur des musées nationaux écrit à leur sujet « Les gardiens (…) que le public ne voit guère qu’à l’état de repos et de surveillance (…) accomplissent cependant les travaux les plus rudes et les plus périlleux (…). Ils sont chargés du soin de la propreté des salles ; ils les frottent dans toute leur étendue (…) ils transportent les objets les plus lourds, les plus fragiles. (…) Ils doivent être d’une grande probité à cause du dépôt précieux qui leur est confié (tableaux, menus objets, bijoux, pierres précieuses, vases antiques des collections du Louvre) ».
J’espère que Louvreboîte appréciera ce juste hommage rendu à la profession.