Valli : poème Solitude meurtrière

Par Illusionperdu @IllusionPerdu

Seul, je reste seul.
A la recherche de l'indifférence, résigné mais sincère, je regagne mes appartements. Le temps ne m'appartient plus. J'ai quitté ma famille, mes amis et mon chien. J'observe le ciel qui me renvoie l'image brumeuse de ma vie. Tout est clair, si clair dans ma tête que toute explication reste vaine, inutile. Chaque émotion trahit une pensée qui trahit elle-même une volonté. Or, la volonté m'a abandonné, emportant avec elle ce qui me restait de plus précieux.
Le téléphone ne sonne plus depuis bien longtemps. Mon seul contact avec le monde extérieur reste le facteur. J'entends chaque jour ses pas dans l'escalier ; seize pas exactement que je compte régulièrement, automatiquement. Puis j'aperçois les prospectus publicitaires glisser sous la porte. Je m'en sers d'ailleurs pour alimenter le feu. Cela fait trois jours que je ne m'alimente quasiment plus. J'ai décidé d'en finir. Je n'ai pas eu le courage d'abréger mon calvaire. Même cela aura été un échec. La puanteur des lieux ne m'écoeure pas, bien au contraire. Je me sens dans mon monde. Personne pour porter un jugement, personne vers qui me justifier.
La neuvième symphonie de Beethoven tourne en boucle dans le lecteur. Je la connais par coeur. Parfois, il m'arrive de devancer le maître en créant quelques variations. Je saisis alors mon violon pour me mettre à l'épreuve. Mais cela ne dure jamais bien longtemps. Je suis trop las pour cela.
Le portrait de mon père trône sur le mur face à moi. Il me regarde d'un air sévère semblant me dire :
- Mon pauvre fils, regarde toi ! Qu'as-tu fais de ta vie !?
Mon psychologue aurait certainement envisagé une thérapie basée sur mes relations familiales. Foutaises de charlatan !!
J'esquisse un sourire avant de détourner mon visage puis je redécouvre le cadavre ensanglanté de ma compagne gisant à terre. Que lui est-il arrivé ? Je ne me souviens de rien. Je dépose le couteau que je tiens fermement dans ma main sur le bord de la table. Combien de temps met un corps avant de se décomposer ? J'aurai bientôt la réponse.
Je ne savais pas que la chair humaine avait si bon goût ; pensais-je en dévorant le lobe de son oreille droite. Cette fois, je crois que je suis devenu complètement fou ! Et pourtant, je raisonne encore assez logiquement. Je m'interroge même sur mon état de folie, donc je ne peux pas en être atteint !
Soudain, on frappe à la porte de la cuisine. Une femme vêtue de noir est venue me chercher. Je me jette dans ses bras. Elle m'aspire, me délivre. Je retrouve enfin la saveur de la vie qui s'ouvre à moi de l'autre côté du mur. La folie a laissé sa place à l'attrait de l'inconnu. Je me laisse porter vers le néant, je retourne à la genèse, abandonnant ce monde imparfait. Je distingue faiblement des hommes qui pénètrent dans mon appartement, horrifiés. Heureusement, je n'y suis plus. Seule la trace de mon âme vagabonde erre entre deux mondes parallèles.