Bonjour à celles et ceux qui, à travers leurs blogs et avis m'ont donné envie de découvrir cet auteur
Bonjour aux zotres
Un juif pour l'exemple est un des trois romans finalistes du prix Qd9 2010 dans la catégorie francophone. J'avais voté pour lui sans l'avoir lu car j'en avais envie depuis sa sortie. Il y a des livres qu'on aimerait sincèrement aimer parce qu'ils touchent du doigt un sujet essentiel mais hélas, après lecture, force m'est de constater que je préfère de très loin les ouvrages de Gunzig et de Dongala à celui de Chessex.
Au printemps 1942, quelques jours avant l'anniversaire d'Hitler, quelques sympathisants nazis suisses décident d'assassiner un juif pour l'exemple. C'est ce fait divers sordide survenu à Payenne, sa ville de naissance, que relate Jacques Chessex dans ce court récit.
Mon avis
Dans le chef d'oeuvre qu'est L'écriture ou la vie, Jorge Semprun explique que seule la forme romanesque permet de témoigner de l'horreur absolue. Le livre de Chessex semble lui donner raison et même s'il porte la mention "Roman" sur la couverture, on est ici en face d'un récit, d'un témoignage. Et le résultat est hélas peu convaincant.
Un juif pour l'exemple est (hélas) un petit livre. Petit par le peu de pages tout d'abord mais aussi (hélas) petit par la qualité. Jacques Chessex ne fait (hélas) rien d'autre que relater, plutôt superficiellement, un fait divers certes sordide, odieux, atroce et, comme l'indique le titre, en tous sens exemplaires mais, une fois encore hélas, il ne fait rien de plus. Et moi, les récits de faits divers ne m'intéressent pas du tout à moins que le point de vue adopté par l'auteur ne soit l'occasion d'une mise en perspective permettant de dépasser le sujet initial pour nourrir une réflexion plus profonde et plus universelle.
Peut-être parce qu'il est né dans la ville du drame, qu'il avait 8 ans quand il est survenu, qu'il a cotoyé sur les bancs de l'école et dans les rues les enfants et les proches des boureaux et de la victime, Chessex ne parvient jamais à décoller du simple récit journalistique et à donner à son sujet une dimension universelle et, c'est le cas de le dire, véritablement exemplaire. C'est vraiment regrettable.
On le sent profondément choqué, marqué, touché mais c'est peut-être la cause de ce que je reproche à son livre. Chessex ne dépasse jamais le cadre personnel et ne replace pas le fait divers dans son contexte historique. C'est la guerre en Europe où les juifs sont persécutés mais l'auteur ne dit rien, absolument rien, de l'atmosphère en Suisse à cette époque. Au delà de sa neutralité politique affichée, qu'en est-il vraiment de l'état d'esprit de sa population ? L'antisémitisme y sévit-il comme ailleurs ? plutôt plus ? plutôt moins ? Tout cela n'est qu'effleuré et ne nourrit pas la réflexion du/de la lecteur/trice.
De même, les personnalités des instigateurs du meurtre et des meurtriers eux-mêmes ne sont que vaguement amorcés, l'attitude des habitants de Payenne qui, d'après Chessex, savent tous qui est responsable de la disparition de Bloch ne sont qu'à peine évoquées. Paradoxalement, il ne parvient pas plus à incarner la victime, à lui donner chair sous nos yeux.
La réflexion finale sur le rôle ambigu de l'auteur qui, selon Jankelevitch, se place en complice implicite des bourreaux quand il relate l'horreur aurait pu être passionnante si elle avait été creusée mais elle n'est elle-même qu'une ébauche plutôt narcissique entre auto-justification et auto-analyse plutôt qu'une tentative de clarification.
Quant aux élucubrations grandiloquentes sur Dieu et Sa divine volonté, elles m'ont juste navrée et je les considère totalement hors sujet voire limite déplacées tant il est vrai que dans un monde d'athés, Arthur Bloch n'aurait pas été assassiné en avril 1942.
Conclusion
La force du livre tient plus dans le thème que dans le récit lui-même, trop superficiel et trop décontextualisé à mon goût. Pour moi c'est un ratage d'autant plus regrettable que la gravité du thème méritait une oeuvre d'exception.