Un Premier ministre aujourd’hui encensé après avoir subi deux ans de quolibets. Un président voué aux gémonies aussi radicalement qu’il fut porté aux nues. Les trajectoires inversées de François Fillon et de Nicolas Sarkozy illustrent les fragilités des avis péremptoires. Ces virements de bords ne reflètent pas seulement la versatilité des journalistes.
Face à des citoyens de plus en plus experts, les artifices les plus évidents pour occuper l’espace médiatique, les effets de manche trop visibles sont décriés au profit d’une quête « d’authenticité ». Exit donc les techniques de communications trop téléphonées : les vraies personnalités prennent leur revanche. Le manque de charisme d’une Martine Aubry est aujourd’hui érigé en summum de l’antisarkozysme, la discrète Eva Joly est propulsée nouvelle tête de proue de Ecologistes dans l’enthousiasme général.
Or, pour révéler leur « vraie personnalité » – comme s’il était possible d’offrir un portait transparent de soi – les hommes politiques ont besoin de temps. De Fillon à Aubry, les nouveaux champions des médias ont construit leur respectabilité au fil du temps. Une donnée incompatible avec l’hyper présence médiatique. L’occupation du terrain, construite initialement pour conjurer le sentiment d’impuissance politique connait aujourd’hui ses limites.
De nombreuses voies s’élèvent d’ailleurs pour critiquer cette accélération stérile, qui dépasse le seul champ politique. C’est Hartmut Rosa, sociologue allemand, qui s’alarme d’une cadence infernale, imposée aux individus et les maintient dans une frustration conjuguée au sentiment de faire du surplace. C’est encore le PDG d’EURO RSCG, Laurent Habib qui s’en prend aux dérives d’une « mutabilité permanente », d’un show sans cesse renouvelé dans les entreprises et la sphère publique, au détriment du sens. En filigrane, c’est aussi le style présidentiel qui est montré du doigt, basé sur une récupération opportuniste de l’émotion populaire et dépourvue de vision.
C’est aussi dans cette perspective que la séquence sur les Roms est stigmatisée, jugée à la fois opportuniste et court-termiste. Or, si la stratégie de récupération du FN semble évidente, il semble que la séquence 2010 soit pensée dans une logique beaucoup plus structurée que la seule remontée dans les sondages : Sarkozy tente de fossiliser son cœur de cible avant d’ouvrir une séquence plus centrale sur les derniers mois.
C’est en 2005, avec la séquence du Karcher qu’il a construit son image transgressive, avant d’ouvrir sur la valeur travail. C’est durant l’été 2010, dans une séquence qui a pris tout son essor dans le tollé médiatique, que Sarkozy se réapproprie son rôle de poil à gratter. Jouant avec les lignes de la décence, il bétonne son image sur les items de sécurité et profite des indignations des élites pour renouer les fils avec l’électorat populaire.
L’élection de 2012 est déjà lancée depuis bien longtemps.