Demonbane

Par Ledinobleu

Daijuhji Kuro, un privé sans le sou, vivote au petit bonheur la chance dans la cité d’Arkham. Jusqu’au jour où la très influente famille Hadou l’embauche pour retrouver un « grimoire » capable d’activer Demonbane, seule arme capable de vaincre la dangereuse organisation occulte Black Lodge. Mais il ne cherchera pas ce grimoire longtemps car il lui tombe littéralement du ciel, sous la forme d’une charmante demoiselle du nom d’Al Azif – le Necronomicon.

Pourchassée par les sbires de Black Lodge, elle conclue un pacte avec Kuro pour faire de lui un Magius, ultime classe de magiciens capable de se métamorphoser en guerrier implacable et d’invoquer le tout-puissant Demonbane lui-même…

Si Demonbane brille par ses qualités artistiques, ses designs et son atmosphère, son principal intérêt sur le plan narratif consiste à mêler les points essentiels du Mythe de Cthulu aux archétypes du shônen et des super robots afin de mettre en abîme l’œuvre maîtresse d’Howard P. Lovecraft. Il en résulte une production atypique, largement basée sur cette action,  cet humour et ces petites culottes qui contrastent étrangement mais de manière au final assez réussie avec l’atmosphère profondément glauque d’horreur cosmique tissée par le Maître de Providence tout au long de sa vie.

Si cette attitude artistique a de quoi décevoir – pour ne pas dire choquer – les puristes de Lovecraft, il ne faut pas perdre de vue que celui-ci n’a jamais pris au sérieux ses propres récits, à la lisière du fantastique et de la science-fiction, qu’il appelait lui-même des « yog-sothotheries » d’ailleurs : ainsi, sous ses dehors de série pour jeunes ados frétillant de testostérone, Demonbane s’affirme comme un réel et somme toute plutôt adroit hommage non à l’œuvre de l’auteur mais à sa personne même – le titre du tout premier épisode étant déjà un premier indice d’autant plus difficile à contester que Lovecraft écrivit lui-même cette phrase dans une de ses innombrables correspondances avant que celle-ci devienne son épitaphe…

Pour cette raison, il serait malvenu d’aborder cette production dans l’idée qu’il s’agit d’une adaptation pure et simple de l’œuvre d’H.P.L., car une grave déception pourrait s’ensuivre ; au lieu de ça il conviendrait plutôt de le voir pour ce que c’est effectivement : une preuve d’admiration pure et simple. Sinon, et si vous êtes fans de super robots – ce dont on ne peut vous tenir aucune rigueur – Demonbane saura vous satisfaire tout en vous donnant peut-être l’envie de découvrir cette œuvre-phare des genres de l’imaginaire dont le « culte » a perduré jusqu’à de nos jours.

Notes :

Au départ une série de jeux vidéo à caractère érotique pour le PC, Demonbane connut un portage sur la Playstation 2 puis des adaptations sur plusieurs médias sous forme d’un visual novel, d’un roman préquelle, d’une OVA (en bundle avec le jeu PS2) et d’un manga – en plus de la série TV d’animation chroniquée dans ce billet.

L’Université Miskatonic est un établissement fictif de la toute aussi fictive ville d’Arkham que créa Lovecraft en la situant dans l’état américain du Massachusetts et qui figure dans nombre de ses écrits.

Le grimoire de rites magiques maudits Necronomicon est aussi une création de Lovecraft souvent citée par les divers personnages qu’il mettait en scène dans ses récits.

Le nom d’Al Azif vient du titre original, en arabe, du Nécronomicon : Kitab al Azif – et dont la traduction en latin altère d’ailleurs de façon significative le sens premier.

Quant au personnage d’Azrad, il tient son nom d’Abdul Al-Hazred, l’homme qui rédigea le Kitab al Azif sous l’influence des démons.

Les connaisseurs pourront se livrer au fascinant jeu des clés quant aux autres clins d’œil à l’œuvre de Lovecraft qui parsèment cette production ; les autres y trouveront une belle occasion de nourrir leur curiosité afin, peut-être, de se pencher un jour sur l’œuvre immense et désormais classique du genre fantastique qui l’a inspirée.

Demonbane, Shoichi Masuo
Demonbane Production Committee, 2006
12 épisodes, pas d’édition française à ce jour

Cette chronique fut à l’origine publiée sur le site Animeka