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Un vide qui fait des bulles

Publié le 14 octobre 2010 par Jeanjacques

EXTRAIT D’UN ARTICLE DE LA RECHERCHE / Andrei Linde : « L'inflation éternelle de l'Univers-bulles »

Quelques instants après le Big Bang, l'Univers aurait connu une phase d'expansion exponentielle, l'inflation. Après vingt-cinq années de controverses, ce concept est aujourd'hui accepté par de nombreux cosmologistes. Andrei Linde, un des pères de cette théorie, va plus loin. Il inclut cet épisode dans l'histoire d'un univers éternel et sans doute infini.

Quels étaient ces problèmes ?

Le premier était l'existence même de ce moment de Big Bang. C'est une singularité, un point impossible à atteindre, car certains termes des équations deviennent infinis. Et au cas où ce moment aurait existé, qu'y avait-il donc avant ? Comment quelque chose pouvait-il se former à partir de rien ? Un point d'autant plus crucial que la quantité d'énergie nécessaire à cette explosion était étonnamment très grande, puisque c'est celle de 1085 grammes de matière. Sa densité était vraiment énorme puisque cette énergie était comprimée dans un volume de moins d'un centimètre cube.

Une autre difficulté était liée à la géométrie de l'Univers. Elle apparaissait plate, à l'instar de celle d'un espace dans lequel les parallèles ne se coupent jamais ; Ce n'est pas tout. Si le Big Bang a eu lieu, pourquoi les différentes parties de l'Univers se sont-elles étendues au même moment ? Comment ont-elles communiqué si elles étaient séparées par une distance supérieure à celle que la lumière avait pu parcourir ? Et d'une façon si homogène ! Cette homogénéité, étrange, était même devenue un principe cosmologique. L'Univers se devait d'être homogène. Tous ces problèmes faisaient, en définitive, vaciller l'édifice entier du Big Bang. Quelque chose n'allait pas.

Sur quels éléments mathématiques repose la théorie ?

L'inflation repose sur l'existence d'une très étrange forme de matière, un champ scalaire comme il y en a dans de nombreuses théories de physique des particules. Ce n'est pas un champ de vecteurs, tels un champ magnétique ou une carte des vents, mais un champ de nombres comme une carte des températures. Ce champ scalaire a une énergie que l'on peut associer à l'énergie du vide quantique. Il faut la prendre en compte dans les équations au même titre que le rayonnement électromagnétique et l'énergie de la matière. Dans les premières phases de l'expansion de l'Univers, la force de ce champ scalaire a diminué beaucoup moins vite que le champ de gravitation. Plus le temps passait, plus la différence était grande. Alors que l'Univers s'étendait, la force de ce champ scalaire total a augmenté exponentiellement puisque l'énergie totale est conservée en chaque point.

Dans la théorie standard du Big Bang, l'énergie de la matière diminue au cours de l'expansion, et l'énergie de la gravitation, qui est négative, augmente. L'expansion décélère progressivement. En revanche, avec le champ scalaire qui est toujours présent et prend même de plus en plus d'importance, l'expansion accélère exponentiellement. C'est l'inflation.

Il y a de nombreux modèles d'inflation. Tous situent ce moment vers 10-35 seconde après le Big Bang. Cette phase ne peut pas durer longtemps. Elle s'arrête, car le champ scalaire ne peut pas diminuer indéfiniment. Il se stabilise lorsqu'il atteint un minimum d'énergie qui n'est pas nul et se transforme en champ de particules. L'expansion reprend ensuite un rythme normal comme dans la théorie standard du Big Bang. Mais l'Univers n'a alors plus du tout la même taille. Dans les modèles d'inflation les plus simples, cette taille dépasse 10100 000 centimètres. C'est énorme quand on la compare à la partie observable de l'Univers, qui est de 1028 centimètres. C'est pourquoi la structure de l'espace visible nous paraît plate et pourquoi l'Univers visible est homogène et isotrope, c'est-à-dire le même dans toutes les directions.

Les équations décrivant le champ scalaire qui a engendré l'inflation sont sensibles à un terme apparenté à une friction, une viscosité. À la fin de la phase d'inflation, le champ scalaire était tellement visqueux que les petites fluctuations quantiques qui le parcouraient se sont gelées. Elles se retrouvent dans le rayonnement de fond cosmologique émis 380 000 ans après le Big Bang. Ces inhomogénéités ont formé les grandes structures que nous observons actuellement.

L'Univers dans son ensemble n'est pas du tout homogène ! Notre modèle d'inflation éternelle implique que d'autres fluctuations du vide quantique ont continué à produire d'autres univers inflationnaires, d'autres bulles d'univers. Dans son ensemble, l'Univers est une énorme fractale en expansion. Chaque bulle est née d'une valeur différente du minimum du champ scalaire, car comme dans une chaîne de montagnes où les massifs sont séparés par des cols de différentes altitudes, les minima ne sont pas identiques. Loin de là. Selon les modèles de la théorie des cordes, il y aurait plus 101 000 possibilités de minima d'énergie. Et ainsi 101 000 univers différents et 101 000 possibilités de lois physiques !

L'Univers-bulles est en perpétuelle création. Il ne faut pas considérer le début de notre Univers au moment de la singularité du Big Bang, ce qui gêne tous les physiciens, mais au moment de l'inflation elle-même. L'Univers, dans son ensemble, n'a pas de début ni de fin, et sa taille est infinie car des bulles se créent sans cesse. C'est cela l'inflation éternelle.

Cette conception s'appuie sur la théorie des cordes, qui est très compliquée. De ce point de vue, vingt-cinq ans de travail n'y ont rien changé. Mais grâce à elle on peut calculer quelle est la probabilité de passer d'un minimum d'énergie à un autre. Et donc quelles sont les caractéristiques des univers possibles. Ce n'est pas de la métaphysique, mais un ensemble d'équations qu'il nous faut résoudre..

Le débat sur leur unicité n'a pas lieu d'être. On se pose la mauvaise question. Notre bulle d'Univers a des caractéristiques bien précises, comme le rapport des masses des différentes particules, celui des différentes forces ou les valeurs des constantes universelles. Pourquoi ? Mystère. Ce sont des données qu'il faut prendre en compte. On peut d'un autre côté se demander comment la bulle est apparue, ce qui l'a fait émerger. C'est ce que nous faisons. Nos travaux nous conduisent à l'existence d'un champ scalaire, générateur d'une phase d'inflation de notre bulle d'Univers et à l'origine d'autres bulles aux propriétés différentes. Il n'y a donc unicité des lois de la physique que dans chaque bulle. Ailleurs, les lois sont différentes, le nombre de dimensions diffère.

Si l'on vous suit bien, il ne sert donc à rien de se demander pourquoi notre Univers possède 3 + 1 dimensions et non 8 ou 10 ?

Andrei Linde : Exactement. Le fait est qu'il possède trois dimensions d'espace et une de temps. Ce qui permet l'existence des planètes et des êtres vivants. Mais les possibilités de minima d'énergie du champ scalaire sont tellement nombreuses que beaucoup de bulles d'univers ont plus de dimensions et n'ont sûrement pas vu se créer d'atomes. Il suffit de modifier à peine la valeur de la force nucléaire pour que les atomes de carbone ou d'oxygène ne puissent pas se former.

Notre théorie tient la route et doit continuer à être testée. Cela ne veut pas dire que nous ayons raison, mais elle est aujourd'hui la seule réponse valable aux problèmes que connaît la théorie standard du Big Bang.

Propos recueillis par Jacques-Olivier Baruchs

Commentaires

A l’origine des travaux de Linde, il se trouve une critique tout à fait pertinente des insuffisances du big bang et notamment sont historicité qui en fait une évènement unique surgit de nulle part. Pour éviter cette aporie, il suffit d’imaginer un univers éternel. Mais voilà, la fuite des galaxies, le rayonnement fossiles, la proportion des éléments légers sont des preuves incontournables de l’expansion et semblent des acquis de la théorie du big bang. Pour concilier univers éternel et création suivie d’expansion, il aura suffit à Linde d’imaginer non pas un seul mais un grand nombre d’univers possibles : « L'Univers, dans son ensemble, n'a pas de début ni de fin, et sa taille est infinie car des bulles se créent sans cesse. C'est cela l'inflation éternelle. « 

Il était déjà difficile de remonter le temps pour prouver le big bang, on passe sur la totale impossibilité d’avoir à apporter la preuve de cette théorie d’univers multiple. Ce qui est curieux, c’est qu’à partir d’une critique efficace du big bang qui apparaissait déjà comme une construction improbable et imaginaire, Linde s’oriente vers encore plus de complexité et d’irréalité.

Mais se pose à nouveau la question : à partir de quoi, de quelle substance la matière peut bien surgir ? Réponse de Linde : « L'inflation repose sur l'existence d'une très étrange forme de matière, un champ scalaire comme il y en a dans de nombreuses théories de physique des particules. Ce n'est pas un champ de vecteurs, tels un champ magnétique ou une carte des vents, mais un champ de nombres comme une carte des températures. Ce champ scalaire a une énergie que l'on peut associer à l'énergie du vide quantique »

Ainsi, ce champ scalaire s’origine, se situe, se trouve exister dans le vide quantique que l’on dote d’une énergie. Cela signifie que l’espace constitué de ce vide PREEXISTE avant la création inflationniste, alors même que les univers bulle sont sensés constituer une totalité d’espace-temps sans extériorité, les univers bulles coexistants côte à côte pourrait-on dire et forment l’Univers éternel et infini. Ainsi, les multiples univers ne surgissent plus de rien mais de cet espace quantique, de ces champs scalaires aux propriétés et énergies différentes. Ces champs scalaires n’appartiendraient pas à l’univers en création puisqu’ils doivent exister AVANT celle-ci. Ainsi, nous aurions, séparé des univers bulle, « 101 000 possibilités de minima d'énergie. Et ainsi 101 000 univers différents et 101 000 possibilités de lois physiques ». Reste à donner un statut, une origine, la nature de cette « substance » composant ces champs scalaires plein d’énergie et d’expliquer pourquoi ils seraient ANTERIEURS à la création des univers inflationnistes.


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