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Le Saint Frère André, un homme pas comme les autres (2)

Publié le 14 octobre 2010 par Jclauded
Voici la partie 2 de mon texte sur la vie du frère André. La partie 1 peut être retrouvée ci-bas ou dans les archives de mon blog. Merci. CD
Le Saint Frère André, un homme pas comme les autres (2)
En 1913, des laïques réclament la construction d’une basilique et Mgr Bruchési accepte. Les services des architectes Alphonse Venne et Dalbé Viau sont retenus. La crypte est inaugurée le 16 décembre 1917. Elle contient mille personnes. Un an plus tard, c’est trop petit. Durant les années ’20, le sanctuaire devient le centre des activités religieuses de l’archidiocèse. Les pèlerinages de mouvements, d’associations, de syndicats, de congrégations sont innombrables. Les paroisses organisent des visites annuelles. Et ça vient de partout : Ontario, Nouveau-Brunswick, Ouest canadien, USA.
Pendant ce temps-là, le frère André reçoit à son bureau des malades, des pauvres et des malheureux de 9h à 17h et le soir, avec des amis, ils visitent les malades qui ne peuvent se déplacer. En fait, il met tellement d’entrain et de bonne humeur dans ses sorties quotidiennes, que certains le taquinent d’être « un vieux courailleux », mais il les assure que ce n’est pas une sinécure et que le soir venu, il est fourbu. Son courrier augmente tellement qu’un secrétariat est mis sur pied pour l’aider.

En 1915, les supérieurs du frère André lui permettent de prendre des vacances, deux fois par an. Il en profite pour visiter les villages de son enfance et se rend aussi en Nouvelle-Angleterre, à Toronto, Sudbury et Ottawa. Mais sa réputation de thaumaturge le précède, et il est accueilli par des foules pressantes. Les journaux locaux relatent des guérisons et le frère André revient chaque fois avec beaucoup d’offrandes de la part de ceux qui le remercient. Son expérience de sa vie de jeunesse difficile et de son travail à l’étranger, l’aident à comprendre les besoins de chacun, où qu’il soit.
En 1927, Mgr Gauthier autorise la suite de la construction de la basilique. En 1937, le moine dominicain français dom Bellot, architecte religieux mondialement renommé s’implique dans le projet. Ce dernier meurt à Montréal en 1944 et le projet de l’Oratoire tombe alors entre les mains d’un de ses disciples dom Claude-Marie Côté, Canadien français, diplômé en architecture des Beaux-arts avant sa vie religieuse qui termine le projet.
C’est à cause de la sincérité du frère André, de sa simplicité et de ses convictions que ses supérieurs acceptent, dès le début, son projet. Sa dévotion à Saint-Joseph le guide. Il aime Dieu. Il prie avec émotion et ceux qui l’entendent raconter la Passion du Christ et le voient faire le chemin de la croix en reviennent bouleversés. Il demande toujours aux gens de prier et garde toujours l’humilité de son enfance. Il ne prend jamais crédit pour son œuvre, au contraire, il se cache derrière le chœur pour prier en solitaire lors des grandes célébrations.
En 1931, la grande crise économique force l’arrêt des travaux de la basilique. Les autorités de la congrégation Sainte-Croix se voient obligées d’arrêter le projet et de l’abandonner. Le provincial convoque le frère André pour lui annoncer la mauvaise nouvelle. Il répond : « Ce n’est pas mon œuvre, c’est l’œuvre de Saint Joseph. Mettez donc une de ses statues au milieu de l’édifice en construction. S’il veut se couvrir, il y veillera ». Deux mois plus tard, la congrégation a en main l’argent nécessaire pour reprendre les travaux.
Ma famille est comme les autres de Montréal. La foi de mon père en St-Joseph et sa vénération pour le frère André sont sincères et profondes. Il nous entraîne souvent, mon frère et moi et plus tard avec notre soeur, à l’Oratoire, pour demander des faveurs et achète des lampions qu’il fait brûler en témoignage de sa dévotion. Le nombre de ceux-ci est directement proportionnel à l’importance de la faveur demandée. Il gravit à genoux le grand escalier de bois en avant de l’Oratoire, en récitant à chaque marche une prière à St Joseph. Sa foi semble récompensée, car il s’exclame souvent : « Merci, Saint-Joseph ». De plus, il achète des statuettes miniatures en métal à l’effigie de St-Joseph, d’à peine deux pouces de hauteur, qu’il place ici et là dans la maison pour protéger sa famille, de même que des bouteilles de l’huile de Saint-Joseph, la même qu’utilise le frère André pour frictionner ses visiteurs, pour traiter ses rhumatismes et pour les besoins de sa famille.

Pour financer la construction de la Basilique, les autorités de l’Oratoire ont imaginé toutes sortes de stratagèmes, entre autres, d’identifier chaque immense pierre d’un numéro et de les mettre en vente. Mon père qui a peu de sous en achète deux, dûment numérotées et localisées et c’est avec beaucoup de fierté qu’il appose au mur de sa « barbershop » le certificat attestant qu’il les a payées et qu’elles ont bien servi à la construction de l’Oratoire. À mon frère, il remet un grand cahier à colorier dans lequel sont reproduits en croquis tous les plans de l’Oratoire, y compris ceux de la future basilique et du dôme. À ma sœur, un magnifique chapelet. Pour moi, c’est un ensemble de petits panneaux en carton qui, montés et collés, représentent en trois dimensions tous les bâtiments de l’Oratoire, sur une hauteur de plus de seize pouces. Mon père est bien loin d’imaginer que son fils, un jour, travaillera au bureau d’ingénieurs responsable des plans de chauffage de la basilique dont le grand panneau radiant incorporé dans le plancher pour le confort des pèlerins.

Je garderai longtemps cette ferveur au point qu’au début de ma pratique d’ingénieur-conseil, dans les années ’50, j’allais à l’Oratoire prier et faire des promesses de neuvaines si j’obtenais tel ou tel mandat. Souvent mes demandes se réalisaient et à mes collègues-compétiteurs qui me demandaient comment j’avais pu obtenir ces contrats, je leur répondais : « Ah! si seulement tu savais… ». Évidemment, j'y croyais mais je n'avais pris aucune chance puisque je sollicitais quand même et intensément mes clients potentiels pour leur acceptation de mes propositions de services professionnels.
Comment expliquer le mouvement extraordinaire vers l’Oratoire Saint-Joseph et la conviction profonde d’un si grand nombre de personnes que le frère André était un guérisseur, un thaumaturge ? La première guerre mondiale où tant d’innocents Québécois sont morts, la grippe espagnole qui a ravagé notre société et le « crash » économique qui a engendré un chômage général et accentué la pauvreté des familles, sont tous des phénomènes des années ’20 et ‘30 qui poussaient les gens à se retourner vers le frère André et l’Oratoire Saint-Joseph pour y chercher consolation, espoir et espérance dans la prière. Ils étaient une réponse aux besoins spirituels du temps.
Le frère André est mort le 6 janvier 1937. Un ami qui l’accompagnait dans ses visites dira : « Il a passé sa vie à parler des autres au bon Dieu et du bon Dieu aux autres ».
Près d’un million de personnes lui ont rendu hommage aux différentes cérémonies religieuses et cela malgré le temps frigide qui balayait Montréal ces jours-là. Les autorités ont permis que les gens puissent le toucher dans sa tombe durant les 6 jours et nuits pendant lesquels il a été exposé à l’Oratoire. Un premier service funèbre a eu lieu à la cathédrale Marie-Reine-du-Monde et un second à l’oratoire Saint-Joseph. Il est inhumé à l’Oratoire et depuis, des milliers de personnes annuellement s’agenouillent devant la pierre de granit qui couvre sa tombe, la touchent et prient. De même devant son cœur qui a été extrait de son corps et déposé dans une boite vitrée.
Le 23 mai 1982, le pape Jean-Paul II l’a déclaré bienheureux lors d’une cérémonie sur la place de la cathédrale St-Pierre de Rome et a fait un long discours en français pour rendre hommage au frère André rappelant son humilité, sa piété et son œuvre. Ce fut très émouvant à écouter.
Le 17 octobre 2010, le pape Benoit XVI le canonisera sur la même place et il deviendra un saint connu sous le nom de Saint Frère André. Il sera le deuxième québécois, après Marguerite d’Youville, à être canonisé. Ce jour en est un de joie et de fierté pour le Québec. J’aurai le plaisir d’y assister avec mon épouse.
En terminant, je veux rappeler la phrase du frère André : « Quand je serai mort, je vais être rendu au ciel, je vais être bien plus près du bon Dieu que je ne le suis actuellement, j’aurai plus de pouvoir pour vous aider ».
Il a été un homme de chez-nous, enraciné dans notre sol et dans nos cœurs.
Claude Dupras

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