04 - 01
2008
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Une petite expérience amusante : voir un film en Septembre et n'en faire le commentaire qu'en Décembre. Qu'est-ce qui en reste après ce temps ? Qu'est-ce qui est passé à la trappe ? Bien sûr, il ne faut pas se lancer sur un classique vu, revu, et multi-commenté. Pour que l'expérience ait un sens, il vaut mieux prendre un film inconnu, de préférence en avant-première, présenté suffisamment longtemps avant sa sortie pour ne pas être influencé par les avis des autres spectateurs. Et voilà que l'occasion s'est présentée lors du Festival 2007 du Film Américain de Deauville. Au milieu de toute la cargaison, une production discrète qui ne prévoit pas sa sortie avant Janvier suivant. OK, tentons le coup. Ca s'appelle « Live ! », et c'est à peu près tout ce qu'on en savait en entrant en salle. J'exagère à peine … on savait aussi qu'elle était due à un certain Bill Guttentag et qu'elle affichait Eva Mendes au générique. Ca vous en aurait dit plus, à vous ? Ben à moi pas vraiment.
Eva Mendes et Bill Guttentag à Deauville en septembre 2007
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Ca raconte le montage d'une nouvelle émission de téléréalité par une productrice, Katy (Eva Mendes), embauchée par une chaîne pour faire remonter l'audience en berne. Le début du film la montre explorer les grilles de la chaîne, critiquer les faiblesses des émissions en cours, puis réunir autour d'elle une équipe chargée de l'aider à inventer un nouveau concept et à le le mettre sur pied. Progressivement émerge l'idée d'une émission choc, entièrement nouvelle, au cours de laquelle une série de candidats accepteraient de jouer à la roulette russe pour le prix d'un conséquent magot. L'idée est d'abord vue comme délirante avant de prendre lentement de la consistance au sein de l'équipe. L'étape suivante est de convaincre la chaîne de l'intérêt du concept, en passant par-dessus son insanité apparente pour ne l'examiner que de façon très pragmatique : existe-t-il un marché ? peut-on trouver des candidats ? y aurait-il des spectateurs ? y aurait-t-il des annonceurs ? L'avocat de la chaîne est mis sur le coup pour étudier les implications juridiques, qu'il soulève effectivement, pour se voir contrer par les arguments tantôt froids et commerciaux et tantôt jouant sur le défi à relever, l'attrait de la nouveauté, d'une Katy survoltée.
Eva Mendes
© Pretty Pictures Galerie complète sur AlloCiné
Katy est si convaincante qu'elle parvient à ses fins et lance son émission dont on suit toutes les étapes de la mise en place, depuis la sélection des candidats, le tournage de la séquence de présentation de chacun d'entre eux, la campagne de promotion de l'émission, les débats parmi les responsables politiques et le public autour de ce projet, et enfin la diffusion en direct. Chaque candidat est un archétype d'un type de motivation : le gamin voulant prendre son autonomie de la tutelles parentale, le fermier voulant sauver son exploitation de la banqueroute, le surfeur accro à l'adrénaline, l'artiste rêvant d'un happening grandiose, le handicapé qui n'a rien à perdre, … L'émission est animée par un animateur vedette, le Jean-Pierre Foucaud local, qui ne sait pas trop par quel bout prendre la tension et les aléas du direct dans cette ambiance inédite. La tension monte ainsi jusqu'au paroxysme de l'émission et sur les suites qu'elle entraîne.
Le tout est filmé avec le parti pris de le présenter comme un reportage réalisé depuis le début par un cinéaste / journaliste qui accompagne chaque instant de l'histoire. Certains passages sont des interviews de l'un ou de l'autre des intervenants. D'autres sont filmés comme en caméra cachée, et d'autres encore en caméra à l'épaule. L'ensemble donne une impression de journal télévisé bien plus proche de « Cabale à Kaboul » que des réalisations de Mickael Moore, une ambiance d'immédiateté, de proximité.
Et que cet « enthousiasme » soit au final communicatif n'en crée qu'encore plus de malaise. Et ce qu'il y a de plus troublant encore, si cela était possible, c'est le sentiment que cette machinerie aurait abouti au résultat rigoureusement inverse si elle avait été mise en branle sur un objectif opposé. Une machine implacable dès lors qu'elle est lancée, mais qui pourrait être lancée sur n'importe quelle piste, sans aucun recul quant à ce qu'elle vise. Il en ressort ainsi un double malaise : celui concernant la fragilité d'une société qui ne sait plus contrer un certains nombre d'arguments remettant froidement en cause des principes qui la sous-tendent, et celui de la transformation d'individus en une sorte de machine de guerre livrée à elle-même.
A côté de ces points, les aspects techniques de la réalisation, en dehors de l'évidence de la forme « reportage », s'effacent dans le flou des souvenirs. Aucun autre acteur qu'Eva Mendes ne parvient à passer cette barrière. Est-ce par la présence du personnage central ou par l'écrasement de la troupe par un acteur prédominent ? Je ne saurais dire, avec le recul, bien que je pencherais subjectivement vers la première solution. La bande son, comme le découpage, sont totalement au service de la forme choisie, sans que d'autres éléments saillants ne reviennent en mémoire. Mais après tout, quand la forme s'efface devant le fond, faut-il en être réellement attristé ou au contraire ne faut-il pas en être heureux ?
Note CinéManiaC :
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Mots-clés : avant-premières, cinéma américain, USDeauville 2007, cinéactuel, Live!, Bill Guttentag