Portrait : Le Chapelier Fou, un artiste à découvrir

Publié le 14 octobre 2010 par Toulouseblog

En marge des Curiosités du Bikini, nous avons rencontré un personnage mystérieux, à l'entité musicale curieuse, autant par son nom que par son talent : Le Chapelier Fou n'est pas loin d'être tiré d'un monde féérique, mais il a tout de réel.

Certaines musiques nous abusent. Ou plutôt nous nous en abusons. Le Chapelier fou est de ces artistes, incandescent, facile d'approche et qui débite son discours avec aura et clairvoyance. Après de multiples samples, des disques donnés à des amis, Louis Warynski alias le Chapelier Fou a offert au public toulousain un monument de grâce aux Curiosités du Bikini ce vendredi. Retour sur un personnage hors du commun.

Je me souviens, lycéen, comme les portraits me désespéraient. A quoi sert un portrait ? De plus comment faire ? Une fable, un poème, une nouvelle sont des objets finis, des cailloux. Le portrait est, lui, en perpétuel mouvement. Celui du Chapelier Fou sera vite désuet au moment où sa carrière prendra un nouvel élan.

Louis est un créateur de musique électronique. Dans sa chambre en Lorraine, il samplait, resamplait pour devenir le Chapelier Fou. Un nom étrange autant que familier. Un homme de talent parle de ses amis. Et, il sait d'où il vient. Le Chapelier fou est les deux :" Ce sont mes amis qui m'ont attribué ce nom quand j'ai commencé la musique électronique. Je samplais des vinyles de contes de fée pour raconter des histoires. Notamment Alice Aux Pays des Merveilles". Etrange nom qu'on ne peut certainement pas s'auto-attribuer. Et, qu'on doit assumer. " A chaque fois que je faisais un CD dont je filais des exemplaires à mes potes, ils notaient dessus ce sobriquet. Chapelier Fou revenait comme un gimmick et je l'assume depuis le premier jour", me confie Louis. En même temps, sa musique correspond à ce conte de fée.

De formation classique. Violon et clavecin au conservatoire, c'est à 15 ans que Louis trouve sa voie. "Je jouais dans plusieurs groupes où on faisait toutes sortes de morceaux musicaux. Attention, on ne pillait jamais quoique ce soit, et pas n'importe comment". Une idée qui transpire dans sa musique. Ses samples ne sont jamais seuls. Ils sont sa peau, il sont ses muscles. Ses samples naissent de la fantaisie autant que de la réflexion. "C'est vrai qu'au début je samplais au maximum, dorénavant je m'en passe pour avoir plutôt une banque de son". De sa piaule, il sort des morceaux. Ses sons. Le chapelier Fou vend alors des disques à des proches et il en faisait " circuler, plein, mais plein à la fois". Comme "motivé par l'enjeu et l'envie de créer".

En fin de compte, Le Chapelier Fou ne reproduit pas les modes d'emplois des chaînes HI-FI pour se dire qu'il fait de la musique. Les esprits créateurs, comme Louis, sautent sur les œuvres des autres pour bondir vers d'autres pensées, d'autres phrases, d'autres histoires. Ils vont du créé au créant. Puis, il y a les performances scéniques. "J'ai eu très vite l'envie de me mettre en danger sur scène, notamment en allant voir des groupes électroniques en concert. Cette musique prend une toute nouvelle dimension en live". Cependant, Louis en rigole : " parfois, je me disais, mais arrêtez de danser sur sa musique, il fout rien et par la même occasion se fout de votre gueule". Pour quelles raisons ? Une seule selon le Chapelier Fou, celle de "mixer derrière un ordinateur avec des morceaux pré enregistrés n'est guère original ni dangereux". De là est né sa passion pour les concerts. Dès lors, il se sent investi d'une mission celle d' essayer de "faire de la musique la plus live possible avec une guitare, un violon ou encore une mandoline." Des moments d'abandon, où, emporté par le plaisir, il est possible de se mettre en danger. Car pour lui, " ce n'est pas faire ça n'importe comment. L'intérêt en soi est de prendre le maximum de risque de façon agréable". Un voltigeur du live, en quelques sortes. On peut jouer avec le sentiment qu'on éprouve mais la musique du Chapelier Fou est réussie grâce à la sensation qu'il transmet.
Le Chapelier Fou déplace les centres de gravités. En live, son précepte est simple : "une boucle en live, être présent et créer sur le moment. Mais aussi, pas de time line". Rien n'est ici prédéfini. Si les "rythmiques ne sont pas en live", se confesse-t-il, "les morceaux se décortiquent en live, et la sauce prend toute seule".

Une des qualités de la musique électronique vient de ce qu'on lui reproche le plus, sa non-musicalité. Il ne faut pas avoir écouter son premier album " 613" pour penser que la musique électronique n'est pas musicale. "613", étrange ? Le Chapelier Fou, marque un temps d'arrêt, ses pensées divagues, et son regard se fixe sur la piscine du Bikini: "J'irais bien me baigner avec le temps qu'il fait, et, en plus la dernière fois que je suis venu c'était en avril", avant d'ironiser "je viens du nord-est où il n'y a jamais de soleil". Puis, Louis se reprend : "Pourquoi 613... alors... en tournée, on écoutait un émission de radio, où, il parlait des 613 pépins de la grenade". Une émission de radio sur les pilules contraceptives n'aurait pas fait un bon album. " Je suis obsédé par les Maths, notamment par les mathématiques dans la nature. C'est improbable qu'il y ait des chiffres comme ça. 613 est en plus un nombre premier, ce n'est pas n'importe quel nombre, c'est indivisible. Tout simplement un symbole." L'idée le rongeait en tournée, dans le train, en voiture, après un concert, en back stage...Ces choses complexes cachées dans la nature le perturbent. Le bouleversent. "C'est avec le graphiste de la pochette que j'ai décidé de prendre le nom pour l'album". Un premier opus définit par son créateur "comme un ensemble indivisible" à l'instar des 613 pépins de la grenade.
Le Chapelier Fou a su, à la sortie de 613, centraliser les critiques. Notamment sur sa parenté avec Yann Tiersen." Quand il me compare à Yann Tiersen, je trouve ça triste pour lui, c'est le schématiser. Et moi avec. Je  fait, selon eux, de la belle petite musique électro avec un violon, comme lui. Mais si ils faisaient l'effort de chercher, d'entendre et de comprendre, les critiques auraient fait le rapprochement avec d'autres compositeurs plus classiques." Au fond, les critiques le touchent, qu'elles soient positive ou négative. Et, surtout l'exaspère. "J'aimerais bien m'en foutre, parfois elles sont cool ou blessantes. Je ne suis pas sûr de comprendre la critique, je ne sais pas, c'est compliquer quand même. L'artiste propose quelque chose, les critiques non. Certains devraient la fermer, même quand cela est positif, qu'elle est la prétention?". Sa musique à une dimension prise de tête, dont parfois on n'oublie le talent créatif et originel.
Petit bon en arrière, quand on lui parle de sa musique il aime citer des noms, dans le désordre : "Ninja Tunes, Warp, Kill Koala, l'électro des années 2000 ou encore Pink Floyd (période Syd Barret, évidement)".
Qui pourra donc répondra à cette question: qui est le plus heureux, l'homme qui aura créé, bravé la tempête de la scène sans impaire et donc aura vécu ou celui qui sera resté en sécurité dans son cocon musical livrant des prestations attendues ? Evidemment, le Chapelier Fou rentre dans la première caste.

Le Chapelier Fou en tournée partout en France, et, l'album "613" dans les bacs.

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