Psychopathologie du footix (2ème partie)

Publié le 14 octobre 2010 par Pierre

(suite et fin)

Théorème n°1

Nul ne se pense imbécile. Un crétin ne se sait pas crétin, il est même le plus souvent persuadé d’être intelligent. Un ostrogoth s’imagine sympathique. Un emmerdeur se croit en toute bonne foi intéressant. Le footix, lui, ne se pense pas, ne s’imagine pas, ne se croit rien. La conscience réflexive lui fait totalement défaut. Aucun d’entre eux n’a jamais su ni ne saura jamais qu’il est un footix. Heureusement des gens intelligents, sympathiques, empressés, lui rappellent charitablement, parfois en termes vifs et peu respectueux, sa condition de raclure, de déchet, de détritus dont l’invraisemblable sottise et la parole pitoyable sont une insulte aux évidences footballistiques les plus primaires.

En d’autres termes, le footix est une poche conceptuelle vide car il n’a pas d’existence objectivable. Il n’existe (à peine) que par le regard condescendant de l’autre, seul un jugement extérieur nécessairement péjoratif le fait tout juste affleurer hors du néant.

Corollaire n°1

Le footix ne peut exister (avec toutes les réserves d’usage quant à l’emploi de ce verbe) que dans une interaction totalement déséquilibrée avec l’amateur éclairé, certes modeste (car ne se prétendant pas ouvertement spécialiste de la chose footballistique) mais sûr quand même de sa compétence, de sa supériorité et de sa légitimité. Le footix rampe dans la fange honteuse à quoi le condamne le regard méprisant de celui qui le remet à sa place : au fin fond du tréfonds des limbes de la nullité, du non-être dont seule une incompréhensible prétention l’empêche de prendre conscience.

Position politique du footix

Le footix n’est ni de droite ni de gauche, il est en dessous, irrémédiablement et définitivement en dessous, écrasé, aplati par le poids gigantesque du mépris de ceux qui savent. L’avenir politique du footix est cependant — et paradoxalement — éblouissant : l’Histoire nous a familiarisés avec les insultes catégorielles : facho, socialo, collabo, gauchiste, radesoque etc. Tout cela est désormais trop complexe, résolument dépassé. Le footix est la synthèse parfaite de toutes ces injures, il couvre la totalité de l’éventail des partis et des opinions : rien ne distingue un footix adepte de l’U.M.P. d’un footix soutenant le P.S. ou les Verts. Tout porte à croire que le débat politique, trop souvent stérile et pollué d’arguties excessivement abstraites, laissera bientôt la place à la simple présentation (plus ou moins mise en scène) de litanies d’insultes méprisantes sans contenu argumentatif, schématiques certes mais le peuple n’apprécie guère et appréciera de moins en moins le snobisme de ces querelles d’intellectuels auxquelles on ne comprend rien, qui ne servent à rien.

Théorème n°2

« Je » n’est jamais un footix, « je » peut en voir partout mais n’en est jamais un lui-même. Le footix c’est toujours l’autre, celui qui n’a rien compris, celui qui « supporte » (polysémie ?) la mauvaise équipe, le P.S.G., l’O.M., Lyon, celle qui a tout faux : son histoire, son palmarès, son parcours actuel, ses joueurs, son style, ses résultats, son stade, son public et, bien sûr, ses supporters, tous d’indécrottables footix. L’effet boomerang est inévitable. Des deux côtés on parle le même langage, on développe indéfiniment la même vacuité discursive. Autrement dit on est toujours, sans le savoir, le footix de quelqu’un.

Comment peut-on être aussi sot ? Telle est la question navrée que semble se poser en permanence le footix s’adressant à un autre footix. Il n’empêche que, même apitoyé en apparence, le message idéologique reste celui d’une forme édulcorée mais bien réelle d’exclusion : tu ne penses (?) pas comme moi, donc tu es nul, donc tais-toi. Rien de nouveau sous le soleil.

Le registre communicatoire du footix est parfois vindicatif mais se situe très majoritairement dans la commisération : on peut donc s’attendre à ce que cet article, même évoquant à une certaine distance l’univers du football, suscite à son tour des commentaires apitoyés fustigeant l’indigence, le parti pris, la sottise de son contenu et de son auteur : ce sera dans l’ordre des choses.

André