Tamara Drewe - Posy Simmonds

Publié le 13 octobre 2010 par Malaurie @jfbib

Voici un billet écrit sur un bout de papier et qui n'avait jamais été publié. Je viens de le retrouver et vu l'actualité cinématographique estivale, il m'a semblé utile de le publier. Les comparaisons avec E.P. Jacobs et Alan Moore montre combien j'avais été touché par le style narratif (tant graphique que textuel) de l'auteure. Je conseille vivement à ceux que cela intéresse l'article d'Eric Bouchard (en lien en bas du billet). Enfin autant l'adaptation éponyme de Stephen Frears est réussie et agréable autant celle d'Albert et Allen Hugues (From Hell), avec Johnny Depp et Heaether Graham est ratée et ne rend pas hommage au travail fouillé d'Alan Moore . Comme quoi une adaptation d'une oeuvre littéraire intéressante n'est pas gage de qualité.

Très belle adaptation d'un roman de Thomas Hardy (Loin de la foule déchaînée) .

Nous connaissions E.P. Jacobs, dont l'art consumé de décrire dans ses bandeaux interminables de textes ce qu'il nous décrivait avec des dessins d'une efficacité redoutable dans la case au dessous, avait atteint des sommets avec la série Blake et Mortimer. Ce type de narration souvent redondante n'a jamais terni le succès de son oeuvre, elle l'a même nourri, jusqu'à en faire une marque de fabrique. Certains apprécient d'autres pas.

E.P. Jacobs était bavard, Alan Moore aussi, mais dans un autre genre. Autant dans ces histoires que dans le choix de ses dessinateurs. Prenez sa relecture très personnelle et très documentée de la légende de Jack the ripper : From Hell, et vous comprendrez pourquoi Alan Moore est bavard. Le livre pèse son poids, et la part des notes est tout bonnement impressionnante (575 pages dont 40 pour les notes). Il existe plusieurs histoires dans le récit.

Si les dessins de E.P. Jacobs peuvent suffire à l'histoire, ceux qui accompagnent les textes d'Alan Moore  sont simplement illustratifs, l'essentiel se passe dans les multiples récits. Le premier est donc bavard dans la répétition texte/image alors que le second utilise l'image comme une prolongation de ses discours textuels.

Bavarde, tout comme ses consoeurs, parfois redondante, jamais inutilement, les bandes dessinées de Posy Simmonds offrent aux lecteurs une multitudes de points de vue sur une histoire simple (la relation d'un adultère) qui se complique (il y a des morts et ces morts sont étranges). Posy Simmonds se situe donc entre ces deux registres.

C'est une histoire d'écrivains : Beth fait fonctionner une pension dans la campagne anglaise où elle reçoit des écrivains qui recherchent la quiétude pour flirter avec leurs muses et pondre, peut-être, un chef d'oeuvre. Cette pension profite d'abord à Nicholas, le mari de Beth, auteur de best sellers très populaires ; mais aussi coureur de jupon incorrigible.

C'est aussi une histoire de modes de vie : un combat - éternel - entre les feux de la vie citadine (Tamara est journaliste, Ben est star de rock) et les bouses de la vie rurale (Andy est jardiner, Jody et Casey sont des ados désoeuvrées).

Une fable habilement menée sur la reconnaissance, l'échec et le succès, la vie et la mort, l'amour et le mensonge.

Bonne lecture.

Lire l'étude d'Eric Bouchard.

Le lien vers le billet du film de Stephen Frears et vers les autres livres de Posy Simmonds : Gemma Bovery, Lulu et les bébés volants et Litlle Lit (collectif). 

Posy Simmonds, Denoël Graphics, 2008 - 24,00 € [préférez la première édition bien meilleure et disponible dans les bibliothèques ou sur le Net, d'occasion].


Tamara Drewe