Aujourd'hui, j'ai la chance de vous proposer un petit interview de la directrice éditoriale du nouvel label de Bragelonne, Castelmore, Barbara Bessat-Lelarge.
Castelmore est un label qui propose depuis début octobre 2010 des livres destinés aux ados mais également aux jeunes adultes, regroupant des titres tels de Vampire Academy de Richelle Mead ou encore Démons de Royce Buckingham.
Je vous invite à découvrir son interview tout de suite !
Jess : Quels sont les choix qui ont motivé la création du label "Castelmore" au sein de Bragelonne ?Barbara : J’ai été libraire jeunesse pendant dix ans et mon sous-rayon préféré était la littérature pour adolescents. Je regrettais de ne pas pouvoir proposer plus de variétés aux ados dans les romans fantastiques : on trouve sur les étagères du rayon jeunes adultes beaucoup de récits réalistes. Pour trouver de la littérature de l’imaginaire, il fallait soit avoir moins de douze ans et suivre des héros âgés d’une dizaine d’années, soit passer dans les rayons de littérature générale ou de science-fiction et fantasy qui mettent en scène des héros adultes. Quand j’en ai parlé à l’équipe de Bragelonne, ils se sont montrés très curieux et intéressés par mes observations. Alors j’ai monté le projet Castelmore, pour lequel ils m’ont donné carte blanche. Castelmore était une envie de ma part de proposer de la variété en matière d’imaginaire, et Bragelonne m’a aidée à la concrétiser.
Jess : Les lectures "YA", Young Adults, pullulent aux États-Unis, comment faites-vous pour déceler le potentiel d'une saga ?
Barbara : Je fonctionne au coup de cœur. Je suis abonnée aux sites d’éditeurs, je lis les critiques des blogueurs, je parcours régulièrement les rayons des librairies anglophones, autant dans le réel que le virtuel. Si les critiques sont élogieuses et si l’intrigue semble correspondre à la ligne éditoriale de Castelmore, je me procure le texte, soit en l’achetant en librairie, soit en demandant le texte à l’agent qui gère les droits de l’auteur. Après, pour ce qui est du potentiel, il n’y a pas de recette : je ne peux pas savoir au moment où j’achète le roman s’il va fonctionner pareil, mieux ou moins bien en France qu’aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni.Certains textes sont déjà publiés depuis quelques mois dans le domaine anglophone et permettent d’avoir une idée relativement précise du potentiel, mais pour ce qui est de textes qui ne sont pas encore publiés, je me fie à mon instinct : si l’intrigue est prenante, que les personnages sont intéressants et qu’ils continuent à me trotter dans la tête une fois que j’ai fini de lire le roman, c’est qu’il a sa place chez Castelmore.
Jess : Comment procédez-vous pour l'achat des droits d'une saga américaine ?
Barbara : Il faut contacter l’agent de l’auteur et faire une offre pour acheter les droits. La littérature pour ados et jeunes adultes est un domaine qui suscite beaucoup d’intérêt ces derniers temps et la concurrence est rude : l’éditeur qui propose la meilleure offre pourra publier le roman en France, et les chiffres sont parfois très, très impressionnants !
Jess : Quel sera le rythme de parutions des livres issus de la collection Castelmore ?
Barbara : Nous allons publier deux à trois romans par mois pendant l’année 2011. Il me paraît très important, pour les séries qui sont déjà publiées à l’étranger, de sortir les tomes de façon rapprochée chez Castelmore. De cette façon, les lecteurs n’ont pas à attendre six mois entre chaque tome pour lire la suite des aventures de leurs héros. Pour les séries en cours d’écriture en version originale, c’est plus difficile à mettre en place dans la mesure où on doit s’adapter à la vitesse d’écriture de l’auteur, puis compter le temps de traduction et d’impression…
Jess : Les livres jeunesse ont un énorme succès actuellement, et pas seulement auprès des jeunes lecteurs. Comment expliquez-vous que la génération des 20 - 40 ans s'intéressent également à ce genre de lecture ?> Comment expliquez le boom de ces 10 dernières années et le fait que les maisons d'édition ne s'intéressaient pas à ce phénomène préalablement alors que la demande était là ?
Barbara : Je pense qu’il y a une multitude de raisons à cela : la littérature pour ados met en scène des héros d’une quinzaine d’années environ, à l’âge où tout est encore possible. Dans le monde actuel, on a envie de rêver que tout est encore possible pour nous aussi, et si la magie nous permet de nous évader du quotidien un peu terne de la routine du travail et des contraintes du travail, elle est la bienvenue !La littérature jeunesse est aussi en renouvellement permanent : les genres s’entremêlent plus qu’en littérature adulte : il est tout à fait possible de trouver des fées qui chassent des vampires dans des véhicules à moteur vapeur, sans que personne ne vienne vous dire que c’est absurde de mélanger de la SF, de la fantasy urbaine et du conte de fée. Cette variété et ce détournement des codes permet de ne pas avoir l’impression d’avoir déjà lu le roman avant même de l’avoir ouvert.Harry Potter a ouvert une brèche (voire une véritable boîte de Pandore) en montrant que la littérature jeunesse était loin de prendre ses lecteurs pour des idiots, et qu’elle pouvait intéresser un public très large. De mon point de vue, c’est le moment où la littérature jeunesse, et plus spécifiquement la littérature pour ados et jeunes adultes est devenue la nouvelle littérature grand public. Twilight en a été la deuxième illustration : une histoire d’amour, du danger, du fantastique, et pas besoin d’avoir lu l’intégralité de la littérature vampirique pour comprendre l’intrigue.C’est une lecture décomplexée, pour des lecteurs qui veulent du divertissement. Cela n’empêche pas de poser des problématiques plus sérieuses : dans Vampire Academy, chez Castelmore, Richelle Mead revisite le mythe roumain du vampire, transposé dans le monde d’aujourd’hui, avec deux jeunes filles qui découvrent l’amour, la mort, le sens des responsabilités, elles font des erreurs, se heurtent à des préjugés liés aux classes sociales…Variété, divertissement mais aussi s’interroger sur soi et le monde qui nous entoure… ce sont des questions qu’on commence à se poser à l’adolescence et auxquelles on cherche des réponses toute sa vie.La littérature pour ados et jeunes adultes a pu être perçue comme une mode, au début, quelque chose qui ne s’inscrirait pas dans la durée, d’où l’hésitation des éditeurs à lancer des collections de publications pour cette tranche d’âge… Ce n’est pas le seul facteur, bien sûr, et les anglo-saxons ont décelé le potentiel de ce marché plus vite que les Français. L’important est qu’aujourd’hui, on puisse trouver de la variété dans ce nouveau secteur, et que les lecteurs de tous les âges puissent y trouver leur bonheur.
Jess : Parlez-nous un peu des premiers titres Castelmore ? Pourquoi ces titres ?Barbara : Il y a trois titres parus ce mois-ci pour le lancement :L’Épreuve, le premier tome de la trilogie Le Prix de la magie, de Kathleen Duey, a été un coup de cœur, tant au niveau de l’écriture que de l’ambiance pesante. On suit deux histoires en parallèle. D’un côté, il y a Hahp, un jeune apprenti magicien. L’école où se déroulent ses cours n’a rien à voir avec Poudlard : il s’agit d’une caverne creusée dans une falaise, et si les élèves n’arrivent pas à faire apparaître sa nourriture par magie, ils mourront de faim. De l’autre, on trouve Sadima, une jeune fille capable de communiquer avec les animaux, qui va rencontrer deux jeunes magiciens. La réflexion sur la magie et le pouvoir est bien menée, et la relation entre les apprentis magiciens et leurs professeurs est intéressante et montre bien la perte d’innocence dans la prise de conscience de la faillibilité des adultes.
Démons de Royce Buckingham est drôle et très visuel, et m’a fait penser à un film d’animation Pixar. Les démons du chaos sont très attachants, avec un côté Gremlins incontrôlable. Nat, le héros, est gardien de démons débutant. Son mentor, avant de disparaître, lui avait dit qu’il ne devait pas approcher de filles car c’était source d’ennui. Mais Nat n’avait pas prévu que la jeune bibliothécaire allait faire voler ses bonnes résolutions en éclats… et à partir de là, les catastrophes vont s’enchaîner, le chaos va se répandre sur la ville et Nat va devoir remettre tout en ordre et camoufler les dégâts.
Vampire Academy de Richelle Mead met en scène deux vampires, la princesse Lissa et sa meilleure amie et garde du corps Rose. Elles se sont enfuies de l’académie pour des raisons assez mystérieuses, et y sont ramenées de force par les autorités. Dans le premier tome, on découvre ce qui les a poussées à partir et pourquoi elles ne sont pas en sécurité au sein de l’école. C’est le rythme et la personnalité affirmée des héroïnes qui m’ont séduite, ainsi que la cohérence de l’univers dans lequel Richelle Mead fait évoluer ses personnages.
En novembre, nous allons publier Le Roi démon de Cinda Williams Chima, le premier tome de la série des Sept Royaumes. Un jeune voleur repenti, Han, se retrouve en possession d’une amulette de magicien très puissante. Lui-même porte des bracelets magiques qui ont grandi avec lui et qu’il ne peut pas retirer, mais dont il ignore les pouvoirs. Il croise le chemin de la princesse Raisa, qui fuit le mariage que veut lui imposer sa mère la Reine. Leur rencontre va réveiller des forces ancestrales qui avaient failli faire basculer les Sept Royaumes dans le chaos à l’époque où vivait le Roi démon, un magicien maléfique… Il s’agit là d’une grande épopée avec un royaume imaginaire, une princesse rebelle, un héros qui n’est ni tout blanc, ni tout noir, et une menace qu’ils vont devoir affronter ensemble. J’ai beaucoup aimé l’ambiance, le mystère de l’intrigue qui s’épaissit au fur et mesure que l’action s’accélère.
Et ce que j’apprécie, c’est qu’aucun de ces quatre titres ne se ressemble, on trouve vraiment une identité propre à chaque univers et chaque héros.
Jess : Que nous réserve Castelmore dans les mois à venir ?
Barbara : Beaucoup de bonnes choses ! Dès février, une série avec une nécromancienne pour héroïne, Pouvoirs Obscurs de Kelley Armstrong : super pouvoirs et suspense angoissant, avec un zeste de créatures fantastiques, il faut avoir le cœur bien accroché. Et en mars, nous débuteront une autre série qui me plait beaucoup, beaucoup plus légère et très drôle, qui s’appelle Monster High, écrite par Lisi Harrison. Je me suis bien amusée en lisant ce roman, avec des héroïnes un peu spéciales là encore. Pour vous donner le ton, l’une d’elle s’appelle Frankie Stein, elle porte quelques cicatrices et n’a pas très bonne mine le matin avant de se maquiller.
Jess : Prévoyez-vous une collection "castelmore graphics" comme c'est le cas avec Milady ?
Barbara : Non, ce n’est pas prévu. C’est déjà beaucoup de travail de lancer un label de romans avec un rythme de parution de deux à trois titres par mois. Cela ne veut pas dire qu’on n’en fera jamais : ce n’est juste pas à l’ordre du jour.
Merci encore à Barbara pour le temps consacré à répondre à cet interview. J'ai hâte de découvrir les titres proposés par Castelmore, en particulier Vampire Academy qui sera l'une de mes prochaines lectures !