L’avantage des journées d’inaction sociale, c’est qu’il peut se passer plein de petits trucs agaçants en coulisse, la presse nationale que le monde nous envie n’en parlera pas, toute focalisée qu’elle est sur les 75 millions d’individus à fanions colorés qui ont vuvuzélé toute la journée. Et pourtant, il y en a, des choses à dire…
A l’ouest, rien de nouveau
Or donc, pendant que nos élites recomptaient sagement les milliards de grévistes et les millions d’euros de déficit ou l’inverse, se déroule outre-Atlantique les différentes phases d’un drame dont on peine à distinguer encore l’ampleur.
Ils sont comme ça, les Américains : démesure et hollywoodisme, à nos pétarades sociales ils répondent par des explosions atomiques financières…
Déjà évoqué ici dans un précédent billet, le scandale des foreclosures continue à grossir aux États-Unis avec maintenant la certitude que tout ceci ne pourra pas se terminer sans casse.
Pour résumer très rapidement l’affaire, tout semble montrer que les banques ont largement « bidouillé » les dossiers d’emprunteurs ainsi que les opérations de saisies d’hypothèques. Pour reprendre les propos de Vincent Bénard, qui est en France à peu près la seule personne à parler du problème, voici les problèmes soulevés par ce scandale :
- Une partie au moins des prêts placés dans des instruments financiers sont pipeau : revenus des emprunteurs surévalués, valeur des collatéraux (les baraques) très surestimés.
- Pas mal de cas de saisies sur hypothèques semblent présenter des irrégularités voire des faux documents. Ça passe mal auprès des magistrats.
- Il va falloir retrouver la propriété réelle des biens saisis, pour le moment en plein marécage juridique flou. Le temps mis pour cette opération gèle complètement le marché immobilier correspondant.
- Imbroglio juridique supplémentaire : les familles expulsées vont attaquer les expulseurs. Ceci risque d’amener des complications et, bien évidement, de poivrer les montants de dédommagements en cas de faute avérée.
- Et bien évidemment, ceux qui ont triché (banques ou particuliers) vont se voir redressés fiscalement.
Quoiqu’il en soit, certaines banques américaines vont se retrouver avec une ardoise version plateau angevin à payer, ce qui va les réduire aux extrémités maintenant habituelles : renflouement par le contribuable (youpi, youpi, entends-je dans le fond) ou … faillite en cascade (youpi, youpi, entends-je à nouveau).
On risque donc, pour résumer, un second effondrement financier à côté duquel Novembre 2008 et Lehman Brothers feraient figure de « panique à la criée du Croisic », et bien évidemment, la presse franchouille nous en parle en détail pour nous avertir et nous donner d’excellents conseils. Les politiciens du pays, responsables et avertis, se sont déjà concertés pour faire front devant les difficultés qui s’annoncent et l’Europe est déjà prête à dégainer sept ou huit cent milliards de ces euros qu’elle ira piocher sans vergogne chez tout le monde.
Ouf : tout est prévu, pas la peine de faire des réserves de pâtes, de sucre, d’or et de plomb.
Factures salées renouvelables
Et pendant que les entreprises de production d’autocollants syndicaux et de fanions colorés tournent à plein régime – enfin une bonne nouvelle ! – les députés de la majorité préparent de nouvelles taxes, dans le silence assourdissant d’une presse vraiment dé-bor-dée par ses fines analyses sur la grève.
Le propos de cette nouvelle ponction citoyenne et, soyons en sûr, durable ? Le photovoltaïque !
Ah mais si c’est pour sauver la planète, Gaïa et les petits oiseaux, c’est différent : le pouvoir d’achat se pliera sans souci aux exigences écologiques ! La bataille du pouvoir d’achat contre le pouvoir de taxe est déjà perdue. En substance, il s’agit donc d’une nouvelle augmentation des tarifs électriques, via une hausse de la contribution au service public de l’électricité (CSPE). L’amendement au projet de loi de finances actuellement en discussion a été déposé par un certain Michel Diefenbacher, député UMP.
Cette nouvelle augmentation repose sur la triste constatation qu’à force de planter des éoliennes et du photovoltaïque un peu partout, dont la production est rachetée à un prix supérieur au marché par EdF, l’entreprise publique se retrouve dans la délicate situation de devoir compenser ces rachats par une hausse de ses tarifs, de l’ordre de 3%. Un gain pour les heureux possesseurs de moulins à vent, une perte sèche pour tous les autres : c’est beau, le collectivisme. On dirait les retraites et les régimes spéciaux…
Une conclusion s’impose : le seul boost que le photovoltaïque offre, c’est dans votre facture d’électricité, et tout particulièrement si vous n’en avez pas installé. Ce qui risque de pousser de plus en plus de particuliers à en mettre chez eux, ce qui aggravera encore les coûts pour EdF, ce qui l’obligera à augmenter encore ses tarifs et à défavoriser ainsi ceux qui n’ont pas encore installé de panneaux solaires.
Dans cette idée labellisée Grenelle de l’Environnement et adoubée par Borloo, il y a comme un petit parfum de déroute, ou, au moins, de whisky 12 ans d’âge, non ?
Et dormir va devenir payant
Enfin, pour clore en beauté, terminons sur la proposition alléchante des sociétés d’Autoroutes qui désirent humidement et sans rire que l’État, alpha et oméga de toute action dans ce pays, prenne des mesures visant à sanctionner les personnes en état d’hypovigilance.
Novlangue écartée, cela revient à cogner sur ceux qui seraient coupables de s’endormir au volant.
On aurait pu penser que s’encastrer dans un pylône de pont à 130 km/h sur une autoroute constituait en soi une sanction suffisante, mais grâce à cette proposition, en plus d’un membre ou deux, on sera aussi amputé de 6 points sur le permis. Bien fait, quoi.
…
Ainsi donc, pendant que les foules chamarrées défilent sagement (ou moins), la vie continue malgré tout au royaume d’Ubu.