Je me suis rappellé aussi l'effet que m'avait fait ce film lors de sa sortie en 1998. Un film de guerre existentialiste. 8 narrateurs différents. Un décor d'une beauté naturelle. Une violence toute en anticipation comme dans No Country For Old Men des frères Coen où la violence était suggérée plus que vue. Ce qu'on voyait était le résultat de la violence. Dans The Thin Red Line le résultat de la violence n'apparaît qu'à la 34ème minute par le biais de deux soldats morts, démembrés.
Le film raconte l'histoire de la bataille de Guadalcanal Canal de 1942 à 1943. Le script est inspiré des récits de James Jones qui a participé à cette importante bataille de la seconde guerre mondiale. C'est un croisement de ses livres From Here To Eternity (aussi tourné en film et largement oscarisé en 1953) et The Thin Red Line publié en 1962.
La photographie de John Toll est tout à fait splendide. j'ai retrouvé le même plaisir sur ma petite télé du sous-sol que j'avais eu à la faire sur grand écran.
Un papillon bleuté qui passe au travers des soldats qui chargent, un autre jaune et orange qui passe au travers des cadavres, un tarsier grimpant dans son arbre, Un crocodile se glissant dans l'eau visqueuse, un hibou exotique et diurne, des grappes de noix de coco, des toucans de toutes les couleurs, des oiseaux tout aussi multicolores, un lot de chauve souris du sud la tête à l'envers et enrobé de leurs ailes, la nature est un personnage pas juste un décor dans ce film. Un vol d'oiseau force une carabine à pétarader dans sa direction, prise par surprise.
"Be here with me now" murmure un soldat en pensant à son amoureuse d'Amérique. Le même à qui des fleurs d 'un champs de bataille rappellent les fleurs de la robe de sa belle.
Le film tout en lumière (un film de guerre!!!) nous la fait passer au travers des feuilles exotiques. Les feuilles de palmiers si immenses qu'elles forment un toit en bordure de sentier font des décors étranges pour des cadavres. Somptueux et atroce. Les effets de ralenti, la musique planante de Hans Zimmer bordent nos soldats vers les missions souvent mortelles. Il faut savoir que dans le film comme dans la vraie bataille, la source d'une partie des problèmes rencontrés lors des batailles à Guadalcanal était le fait que les bateaux Alliés avaient quittés avec la moitié du rationnement dans leurs cales laissant les soldats sur l'île avec pratiquement rien. Manquant surtout d'eau.
L'image hantée d'un visage arborigène qui sort du sol, visiblement mort, nous colle au cerveau. Son regard de disparu aussi.
Des soldats attendant, à l'écoute de l'ennemi, les deux pieds dans l'eau comme un pêcheur attend son poisson, m'ont fait réaliser une chose: le soldat est toujours un poisson en temps de guerre.
La menace ennemie n'est vue clairement qu'au 19ème chapitre (de 32) et l'extraordinaire chapitre 28 vaut le film à lui seul. L'un des plus grand chapitres de film de tous les temps à mon avis.
"This great evil, where is it coming from?" demande un personnage. Ça semble être la quête de Malick.
D'où vient la racine du mal? que ce soit au travers de Badlands ou Days of Heaven, les deux films qu'il a fait auparavant (Il n'a tourné que cinq longs métrages sur une période d'une quarantaine d'année!)
Il pose dans The Thin Red Line la même question sur l'amour. Qui a introduit cettte flamme en nous?
On ne pourrait s'attendre à autre chose d'un prof de philosophie.
Le style ample de Malick, son témoignage de la proximité avec la nature au travers du pire de l'homme est extrèmement touchant.
Ce n'est que par le cinéma que j'aimerais connaitre la guerre.
J'ai cette chance.
Comme tous les canadiens pourraient avoir cette chance.
Et pourtant...