C’est sous ce titre bienvenu que l’ancien rédacteur normalien des discours de Jean-Pierre Raffarin publie un livre sur la crise économique et culturelle actuelle. Il est interrogé dans Le Monde de dimanche 10 octobre et ce qu’il dit est passionnant.
Le problème principal est bien sûr la mondialisation. L’émergence d’immenses pays remet en cause la suprématie économique, politique et culturelle d’un Occident habitué, depuis cinq siècles, à régner sur le monde. Il est dur de se reconvertir, même si les deux guerres mondiales ont saigné largement le monde blanc et abouti à une décolonisation massive. Nos pôles d’excellence que sont l’innovation scientifique, le haut niveau d’éducation et la domination économique tirent à leur fin… La Chine, l’Inde, le Brésil, la Corée du sud, le Mexique, se mettent largement au niveau.
D’où les craintes millénaristes de déclassement de civilisation, les craintes poujadistes de l’étranger qui vient sucer nos droits sociaux et pomper nos emplois délocalisés, les craintes sociales de dégringoler l’échelle.
Il faudrait penser le processus, voir ce qui nous permettrait de réinventer l’Occident. Qui le fait ? Les Américains sans doute, peut-être quelques Anglais, de rares Allemands ? Mais les Français… néant. Les uns croient en l’Europe comme un universalisme en marche, frontières abolies pour accueillir tout le monde, phare global auquel les phalènes éblouies viendront se rassembler. Vaste foutaise ! C’est plutôt l’émergence des cultures diverses qui vient, du confucianisme cher aux Chinois à l’andinisme ou du social-populisme cher aux sud-américains, en passant par le nationalisme autoritaire russe et l’islamisme. Les autres se replient sur eux-mêmes en préparant la prochaine guerre des civilisations.
Car l’islamisme, voilà l’ennemi ! Pas l’islam en tant que croyance mais l’islamisme en tant que politique. Ce nouveau fascisme en marche véhicule tous les mythes :
• la brute qui crie vive la mort en se faisant sauter,
• le cancer qui ronge peu à peu nos valeurs par des revendications constantes en apparence anodines mais qui, mises bout à bout, sont une révolution (un retour à l’avant Lumières),
• l’esclavagisme clérical via l’asservissement des femmes par le machisme venu de Dieu (c’est écrit dans le Livre) et les obligations rituelles des frères auprès desquelles le politiquement correct et le cant victorien sont d’aimables plaisanteries,
• le faux-frère en république qui séduit par la foi et les belles paroles mais qui n’attend qu’une faiblesse pour imposer sa norme radicale,
• la naïveté des compagnons de route et des zassociations toujours pleines de bonne volonté et de pures intentions.
« Ayons confiance en nous ». La jeunesse le sait qui vit métissée. Les PME aussi qui sont colorées. Pour lutter contre l’enfermement des immigrés, qui suscite la haine de ceux qui ont peur de déchoir, « il faut une politique très volontariste ». Les zassociations vont râler mais elles ne sont pas l’État. Qui dira crûment la naïveté des belles âmes qui pavent l’enfer de leurs intentions dégoulinantes de bonté ? Pas même El Karoui. Mais il avance du concret : « La politique du logement doit empêcher la concentration d’immigrés, quitte à être directif. Partout où ils vivent, les immigrés doivent être minoritaires. C’est la clé de leur assimilation. » Voilà qui est bien dit. Mais QUI va œuvrer contre les ghettos du gotha, les réserves d’entre-soi des bobos ?
Laissons la jeunesse se créer ses nouveaux héros et œuvrer en de nouveaux combats : par exemple réinventer la construction européenne, redéfinir l’intérêt général européen, penser de nouvelles formes de régulation. Tout cela est bel et bon mais, si vous ne l’aviez pas compris, il y a du boulot ! A commencer par ne pas victimiser la réduction des zacquis en proposant un avenir. Pour l’instant, à part les démagogues, il n’y a pas grand monde sur le pont.
Hakim El Karoui, Réinventer l’Occident, disponible le 13 octobre 2010, Flammarion essais, 240 pages, 17.10€