Dans la rue les citoyens le savent et finissent par s’en amuser : la grandeur lui fait défaut ! Qu’on ne s’y méprenne pas, ce n’est pas de taille dont il s’agit ici, mais de hauteur d’esprit.
Dans les cortèges, les citoyens sont calmes. Étrangement calmes. De manifestation en manifestation la détermination grandit. Plus le nombre augmente, plus la conviction décuple. A croire que le bon droit les pousse à redoubler de volonté.
Une ligne directrice guide leurs pas : la justice sociale. Comme si une voix venue des profondeurs des consciences éclairait soudain l’étendue de l’arnaque dont nous faisons l’objet. Une loi faite par les riches et pour les riches.
Aucune trace de violence n’est à signaler. Aucun débordement pouvant être utilisé par le gouvernement pour discréditer le mouvement en manipulant l’opinion n’est à dénoncer. Tout est propre. Comme si, responsable, conscient de son droit, le citoyen cherchait à prouver que s’il est dans la rue c’est par la volonté de Nicolas Sarkozy. Celui-là même qui fanfaronnait devant des séides prosternés, hissé sur son petit tabouret, lâchant d’un ton sarcastique : «aujourd’hui quand il y a une grève en France personne ne le remarque.» Qu’en pense-t-il maintenant ?…
Les grèves s’amplifient. Nous savons le nombre et la volonté de chacun. Aucune frime cependant. L’événement est important et la confiance gagne les rangs. Ce sera difficile de faire plier le malade qui nous gouverne, mais chacun fournit l’effort qu’il doit.
Entre deux sons de vuvuzelas et quelques formules bien senties, chacun ricane avec les chiffres. Ainsi cette vieille dame :
«Combien sommes-nous aujourd’hui ?…»
«Trois cent !» s’amuse à crier le voisin de cortège. On s’esclaffe !
Derrière, les jeunes donnent de la voix. Cela fait du bien de les entendre.
«Les jeunes dans la galère, les vieux dans la misère !…»
Plus loin, des vieux refrains sont pastichés. Sur l’air de «Il était un petit navire», on épingle «il était un petit bonhomme qui ne savait pas, pas gouverner…»
Dans la foule bigarrée on sent bien le rejet d’une politique sociale d’où les plus pauvres sont poussés vers l’exclusion.
La dignité est dans le camp des manifestants, n’en déplaise à ceux qui proclament que le «peuple est fou à lier». Pourquoi est-il fou ? Parce que respectueusement, mais avec fermeté, il demande, non pas la révolution -- rassurez-vous messieurs les conservateurs ! -- mais un peu plus d’équilibre dans l’équité ?… Où est la folie ?…
En attendant samedi, un seul mot : on ne lâche rien, le droit est un devoir citoyen.