26 janvier 1948. Tokyo vit sous l'occupation américaine. Dans un établissement bancaire de la ville, un homme fait son entrée, un brassard du ministère de la santé au bras. Prétextant une possible épidémie de dysenterie, l'homme enjoint aux membres du personnel d'ingérer le contenu de flacons qu'il a en sa possession. Les seize employés présents le croient et s'exécutent. Douze d'entre eux décèdent. Les quatre autres seront évacués et hospitalisés.
Pour le deuxième ouvrage de sa trilogie consacrée à Tokyo, David Peace a une nouvelle fois tissé la toile de son récit autour d'un fait divers ancré dans l'histoire du Japon. Il aurait très bien pu le faire de manière tout à fait linéaire, rapporter les faits les uns après les autres en les nourrissant de son souffle romanesque. Tokyo ville occupée n'aurait pas été la première ni sûrement la dernière transposition d'une affaire criminelle à être traitée de la sorte. La recette a déjà fait ses preuves. Les exemples ne manquent pas.
Mais David Peace a tenu quant à lui à rendre état de la complexité de ce massacre jusque dans la forme du roman, jusque dans le style. Tokyo ville occupée s'articule en effet autour de douze voix : celle des victimes, des policiers, d'une rescapée, d'un journaliste, d'un scientifique américain... toutes étant liées de près ou de loin à l'affaire. Et quand je parle de voix, c'est pour aller au plus simple car il s'agit en fait de pensées, d'articles, de carnets ou de lettres. Et c'est là tout le noeud du problème en ce qui me concerne. Non pas que je ne reconnaisse pas la prouesse stylistique de David Peace - c'est diablement écrit - ni l'envergure qu'elle apporte à Tokyo ville occupée. Seulement la dimension réelle du bouquin n'est à mon avis pas accessible si on ne se laisse pas prendre par le ryhtme, par la virevolte des mots ou des groupes de phrase parfois répétés, scandés, rabâchés et qui sont déversés sur les pages, dans la tête.
Je ne me suis pas laissé prendre par la mélopée.
Au regard de toutes les éloges que j'ai lues sur ce livre, de toutes les pistes de lecture qu'il induit, j'ai plutôt l'impression d'avoir été abandonné sur le bord d'une route... pas très fréquentée. De n'avoir jamais non plus été en mesure de déceler toutes les subtilités qu'il porte en lui. Je suis allé au bout parce que je sais que certains bouquins révèlent leur essence quelque temps après les avoir refermés. Cela n'a pas été le cas. Il a bien fallu me résoudre.
Tokyo ville occupée est un roman exigeant, qui demande des efforts. Ceux-là même que je n'ai pas été capable de fournir. David Peace a placé la barre très haut. Trop haut pour moi en tout cas qui, je le rappelle, suis un super-héros qui ne sait pas voler. Sinon...
Tokyo ville occupée, David Peace, traduit de l'anglais par Jean-Paul Gratias, Rivages (Rivages/Thriller), 352 p.
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