Ce soir, Sophie du Vivier, baptisée “Madamedu” par sa bonne Sonia, reçoit. Au fond rien d’extraordinaire, Madamedu est rompue à ce type d’exercice, l’atteste son classeur qui garde en mémoire, via menus et plans de tables, ses précédents dîners. Pour autant le défi est toujours aussi excitant : il faut varier les mets d’une fois sur l’autre, ne jamais resservir à un invité la même couleur de nappe, penser les invitations en fonction des histoires, des caractères et des métiers des convives, et surtout, surtout, savoir placer... Ah ! le fameux art du placement qui prend en compte autant les psychologies, les affinités, la largeur réglementaire due à chaque invité (60 cm), les précédents placements, etc... Madamedu tourne et retourne ses bristols cherchant, telle une mathématicienne, la combinaison optimale pour rendre cette soirée légère, inoubliable et utile à son mari sur le plan des affaires. En un dîner, l’auteur évoque, derrière l’élégance des salons et la finesse du couvert, les lourdeurs d’un monde qui évolue dans la minuscule chasse-gardée qu'est le quartier de l’église Sainte-Clotilde, village du 7e arrondissement où l’on naît, grandit et meurt selon des rites particuliers. Avec humour, Pierre Assouline nous initie à ces codes ainsi qu'aux mentalités qu’ils forgent, lesquelles fondent en général une philosophie de l’exclusion, une méconnaissance des autres franges de la société -notamment celle d’origine immigrée- qui n’a d’égale, pour cette vieille artistocratie reclassée à force de classes prépas et d'optimisation des carnets d'adresses, qu’une grande maîtrise des usages républicains (comprendre ici non de la Res Publica mais le microcosme des “Hauts fonctionnaires”).
On reprochera à l’auteur de rapidement tomber dans la facilité, et l’on ne cessera d'attendre ce que nous annonçait la critique littéraire : ce “Festen”, cet éclair de vérité qui se laisse désirer au fur et à mesure des pages pour n'émerger qu'avec peine, ou tout du moins de manière trop diffuse (l’explication de l’attitude de Christina est trop légèrement amenée). A croire que Pierre Assouline est comme les personnages qu’il dépeint à grands et caustiques traits, un élégant dandy survolant la surface des choses, et balayant le tout d’un revers de main, sans prendre le temps de plier sa serviette (ce serait mal poli, wouldn't it ?). Drôle, le roman n’en reste pas moins “facile”.Les invités, de Pierre Assouline, folio poche, 201 p."En la contemplant, on ne voyait plus que ça. Ce paquet de lèvres déjà vu et revu, modèle déposé et breveté, une horreur. Disparus la profondeur du regard, la petite fossette au creux des joues, l'éclat des dents, la courbe mutine du nez. Ce monstre de lèvres gâchait tout ce qui l'entourait. Impossible de s'en détacher, il aimantait le regard avant de provoquer le dégoût. Mais qu'est-ce qui les poussait tout à en faire autant ? L'accablant esprit moutonnier de la mode ? Mais on ne change pas de lèvres comme de chaussures. On les garde longtemps." p 42.
Magazine Culture
Une plongée dans la “bonne” et haute société parisienne... ou comment Pierre Assouline démontre que le mot “bon” ne peut être pris, dans cette expression, dans toutes ses acceptions. Drôle, mais un peu longuet et surtout facile.