Solidement installé sur la scène musicale congolaise et auteur d’un récent album intituléMémoire Ya Zambe, Félix Wazekwa s’apprête à faire monter la température à l’occasion de son prochain concert à Paris au Zénith le 9 octobre. Rencontre au cœur de la nuit, sur le lieu des répétitions, avec le chanteur kinois aux innombrables surnoms.RFI Musique : Votre singularité sur la scène congolaise aujourd’hui vient entre autres de la place que vous accordez à la danse et ce qui relève de la chorégraphie. Était-ce déjà le cas au début de votre carrière ou cela s’est-il fait progressivement ? Félix Wazekwa : C’est venu petit à petit mais j’ai toujours été un danseur, parce que j’ai commencé dans un groupe traditionnel où on faisait du folklore. Il n’y avait que les chants, les percussions et la danse. Et j’ai compris que presque tous les grands artistes de ce monde, quelque part, étaient des grands danseurs. Donc si je voulais être reconnu, il fallait faire danser.Qu’est-ce qui vous a amené à suivre cette voie artistique ?Je suis né et j’ai grandi à Kinshasa, mais en 1985, je suis venu en France. J’ai fait des études d’économies jusqu’en licence. Après, j’ai eu la chance d’avoir un bon travail : j’étais gestionnaire des stocks. Mes collègues disaient que je parlais tout seul dans le bureau. En fait, je chantais ! La musique me démangeait. Je savais qu’avec mon diplôme, je pourrais toujours refaire ce genre de travail. Mais si je laissais passer le moment pour devenir artiste, ce serait irrattrapable. J’avais déjà 33 ans. La seule façon, c’était de revenir s’installer au pays. On est mieux inspiré là où on est né, là où on ressent les goûts, les odeurs d’enfance.Comment fait-on pour trouver sa place au début, sachant que la compétition est rude ?Pas facile. Quand on vient d’un groupe connu, on est plus ou moins accepté et on a déjà récupéré certains fans. Mais si ce n’est pas le cas, on est rejeté même par les leaders de certains groupes qui pensent qu’on veut prendre leur place. C’est ça le danger. Et personne ne vous fait confiance quand vous commencez. C’est pourquoi celui qui commence s’autofinance souvent. Mon premier concert à l’Olympia, je l’ai fait avec mes propres moyens. J’ai payé la salle, les billets des musiciens... Personne ne pouvait dire que Wazekwa allait remplir l’Olympia. Maintenant que les producteurs ont compris que je pouvais non seulement le remplir mais être surnommé le Michael Jackson d’Afrique, je n’ai plus de ce genre de problème.Vos collaborations avec Koffi Olomidé ou Papa Wemba, en tant que parolier, était-ce une façon de se faire un nom ?Non. Pour moi, c’était une façon de vérifier si ce que je faisais pouvait plaire. J’ai donné des chansons à ceux qui avaient déjà une certaine notoriété et comme elles ont marqué les esprits, j’ai su que je pouvais me lancer si je continuais dans cette lignée.Dans la musique congolaise, la notion d’orchestre reste très présente. Quel est vraiment votre rôle vis-à-vis de votre équipe baptisée Cultur’A Pays-Vie ?Un vrai leader – je vais parler du Congo en particulier – est celui qui doit être plus ou moins complet. Moi, Félix Wazekwa, je sais chanter, danser, jouer des instruments. C’est ce qui me permet aujourd’hui de pouvoir diriger un groupe. Un leader, c’est un coach. Et en Afrique, c’est plus que ça : on vous demande d’être beau, de savoir vous habiller, d’avoir de belles voitures, une grande maison. Même pour être connu, il faut dépenser de l’argent. L’artiste, en Afrique, c’est soit quelqu’un qui est issu d’une bonne famille, soit quelqu’un soutenu d’emblée par des gens qui ont beaucoup de moyens. Sinon, même son talent ne sera pas connu.
Sur votre récent album, vous avez invité le vétéran Lutumba Simaro. Et il y a quelques années, vous aviez apporté votre aide financière à Wendo Kolosoy, figure historique de la musique congolaise. Que représentent-ils pour vous ?Quand j’ai commencé ma carrière et que je n’étais pas connu, je suis allé voir Wendo, de la même façon que dans une famille, à un certain âge, on veut savoir qui est qui. Dans la musique, il fallait que je cherche à connaître mes parents. Donc, je suis allé trouver Wendo avec des cadeaux. Il a acheté une boisson sucrée, il a demandé un seul verre. Il l’a rempli, a bu jusqu’à la moitié et m’a fait boire le reste. Et il m’a dit : "Je n’ai rien à te donner mais ne touche jamais aux fétiches, fais-ton travail et tu iras très loin". Puis il a ajouté : "Tu vois, mon fils, la démarche que tu viens de faire, vous n’êtes que trois à l’avoir faite, depuis le début de ma carrière. Il y a Lutumba Simaro, Pepe Kallé et toi." C’est pour cela, en l’honneur des paroles que venait de dire Wendo, que j’ai pensé qu’il faudrait que je collabore un jour avec ces deux artistes Malheureusement, Pepe Kallé est mort. Je ne voulais pas attendre davantage, tant que Simaro est là. Et le dialogue que l’on a fait ensemble sur Mémoire Ya Nzambe, ces réponses qu’il apporte à mes questions, c’est presque cela qui fait vendre le nouvel album !