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La réforme des collectivités territoriales ou le joug de l’Etat nouveau

Publié le 12 octobre 2010 par Rhubarbare

Derrière le pétillement du vin nouveau se dresse aujourd’hui le postillonnage de l’Etat nouveau, l’Etat des Préfets, l’Etat des collectivités territoriales transformées en simples chambres d’enregistrement des décisions, la fin de la ruralité en tant que composante à part entière de l’Etat français.

Occultée par les manifestations contre la réforme des retraites, fort peu relayée par les médias, cette réforme de collectivités territoriales passe à peu près inaperçue du grand public. Et pourtant. La décentralisation de 1982 avait porté la démocratie au coeur des territoires. Les Conseils Généraux et Régionaux ont fortement facilité, notamment en milieu rural, l’émergence d’actions directes ou via le tissu associatif favorisant le développement local. Les choix politiques impactant directement les habitants étaient pris localement par des gens que l’on pouvait rencontrer. Bien sur rien n’est parfait, le fameux mille-feuilles institutionnel n’est pas nécessairement le plus efficace et les coûts de fonctionnement plus élevés mais il n’a jamais été dit que la démocratie ne coûterait rien.

Ces inconvénients sont officiellement à la base de la réforme voulue par ce gouvernement, maisi l’objectif réel est la reprise de contrôle des territoires, l’élimination des contre-pouvoirs et la fin de la ruralité – sans doute pas assez bling-bling. Il est vrai que les paysans du coin portent rarement une Rolex.

Les  changements notables seront la transformation des quelques 5 660 conseillers généraux et régionaux en 3 471 conseillers territoriaux siégeant au niveau départemental et régional, l’obligation pour toute commune d’intégrer une communauté de communes (il existe encore 2600 communes autonomes, les “villages gaulois” du système français), une taille minimale de 12 000 à 15 000 habitants par intercommunalité (les plus petites devront se “désagréger” et leurs communes intégrer les intercommunalités voisines, ceci au plus tard pour juin 2013). Il sera impossible de créer de nouveaux Pays, même si ceux qui existent déjà pourront continuer à fonctionner si leur membres le désirent.

Le projet prévoit par ailleurs la création d’une nouvelle structure pour les zones urbaines de plus de 500 000 habitants, la “métropole”. Cette métropole se substituera sur son territoire aux collectivités préexistantes (communes, communautés et Conseil général) et percevra la totalité de la fiscalité locale et des dotations de l’État sur son territoire, sauf la taxe foncière.

Jusque là, pourquoi pas. Mais les choses se corsent quand on aborde la question des compétences. Actuellement les niveaux départementaux et régionaux, outres les compétences obligatoires (dites d’attribution) qui mangent l’essentiel de leurs budgets (services sociaux, voirie, collèges et lycées, etc..) disposent néanmoins d’une compétence générale leur permettant d’agir peu ou prou sur les  secteurs ne relevant pas de leurs compétences obligatoires. Cette latitude permet de multiples financement croisés entre les différents niveaux au profit d’une même action (telle réhabilitation financée à 30% par la région, 30% le département, 30% la communauté de communes et 10% la municipalité locale, par exemple).

La réforme faisant que la seule compétence générale restera au niveau de l’intercommunalité, ces financements croisés seront dès lors interdits, à chaque niveau de se débrouiller. Qui plus est, l’exercice de la compétence générale sera soumis à l’approbation du préfet qui validera, ou pas, les décisions de financement! L’Etat va donc s’immiscer jusque dans les décisions démocratiques des conseils municipaux et intercommunaux.

Exceptions à la règle, le sport et la culture qui, ne faisant partie d’aucune compétence obligatoire, pourront être financés par les différents niveaux – toujours sous le contrôle préfectoral. Et s’ils en ont les moyens, car la camisole de force financière constitutive du fait de la perte de leur principale source fiscale (TP) par les collectivités aura (et a déjà, en grande partie) transformé les élus en simples chambres d’enregistrement des décisions de l’Etat, les dotations étant dimensionnées afin de couvrir – après dégraissage annuel – les dépenses liées aux compétences obligatoires. On peut s’attendre à ce que les autres sources de fiscalité encore à leur portée, notamment la taxe foncière, subissent de conséquentes augmentations.

En fait financièrement parlant il s’agit ni plus ni moins d’appliquer la RGPP aux collectivités territoriales. Outre l’aspect financier, pour le gouvernement cette réforme bénéficie la démocratie du fait de l’élection directe des conseillers territoriaux au suffrage universel, mais les nouvelles contraintes institutionnelles et financières rendront ces conseillers essentiellement inopérants de toute manière.

Pour Claudy Lebreton, Président de l’Association des Départements de France, je cite:

“… force est de constater que l’oeuvre de simplification et de modernisation de nos institutions locales annoncée par le Président de la République a échoué. Ce texte complexifie au contraire notre organisation territoriale. De l’aveu même des deux présidents des assemblées parlementaires, il est devenu « inapplicable ».

Il contient en l’état plusieurs dispositions extrêmement dommageables pour les collectivités territoriales qui subiront à un moment ou à un autre les effets de cette réforme conçue à la hâte et sans consultation approfondie.

Dans ce contexte, la création du conseiller territorial vise, sans le dire, à favoriser une fusion à terme des départements et des régions comme le martèle Jean-François COPÉ. Ce processus de rapprochement est une erreur qui va rendre improbable la gestion quotidienne de ces deux échelons institutionnels aux responsabilités bien différentes.

Enfin, la quasi suppression de la clause générale de compétence pour les régions et les départements (et par prolongement l’encadrement drastique des financements croisés) met en cause l’efficacité des politiques menées par ces collectivités. Elle fait fi de l’exigence de solidarité territoriale qui caractérise leur action et de la nécessité de préserver le maillage de services publics locaux développé patiemment au fil du temps.”

Fin de citation.

Pour conclure cette description certes sommaire de la réforme en cours, on peut voir que les grosses agglomérations y trouveront sans doute leur compte (autonomie politique et financière accrue) dans une logique de compétition réglementaire et fiscale. D’ailleurs les élus socialistes maires de grosses agglomérations sont tout à fait d’accord avec ce volet-là de la réforme. Par contre les territoires ruraux sont de facto mis sous la houlette préfectorale et sont destinés à servir de grenier à blé et de réserve indigène pour urbains en quête d’exotisme. 

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